Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 3.djvu/484

Cette page a été validée par deux contributeurs.
476
REVUE DES DEUX MONDES.

Appelant Henry Faust d’une voix inquiète ;
Et lui ne venant pas, lorsqu’elle eut appelé,
Elle alla le chercher dans les épis de blé,
Et toujours, pauvre enfant ! plus triste et plus craintive,
Ayant gagné le puits, s’assit près de la rive,
Et demeura long-temps immobile et sans voix.
Lasse enfin de pleurer, pour calmer son supplice,
Elle ouvrit tristement, avec ses jolis doigts,
Les odorantes fleurs dont le chaste calice
Au tomber de la nuit s’était déjà fermé,
Leur disant : Parlez-moi de Faust, mon bien-aimé ;
Et vous, acacias, qui voyez dans la plaine,
L’avez-vous vu passer là-bas, sur le chemin ?
Allait-il me chercher encore à la fontaine ?
Est-il venu ce soir ? reviendra-t-il demain ?
Et les acacias, et les fleurs de la rive,
Chantaient en s’éveillant : « Comme la brise est vive !
Comme le vent, ce soir, souffle dans nos rameaux !
Bénis soient le silence et le divin repos !
Que me fait le passant qui traverse la plaine,
Pourvu que le soleil vienne à l’aube prochaine,
Et qu’un vent aussi pur dans un ciel aussi bleu
Porte, quand je mourrai, mon dernier souffle à Dieu ? »

Et Marguerite alors courba son front modeste ;
Et puis, ayant vécu pour répandre le reste
Des pleurs que dans son âme elle avait conservés,
Elle sentit sa vie et son rêve achevés.

Et je me dis alors : « Quelle goutte de pluie,
Quel rayon de soleil te rendra, mon enfant,
Cette fraîcheur sereine et cet air confiant
Qu’hélas ! tu viens de perdre en rentrant dans la vie,
Pour y trouver encore un souvenir amer.
Un nom doux et fatal, une triste pensée,