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REVUE DES DEUX MONDES.

Dans ton ame fidèle éveille quelque émoi,
Confie au vent du soir une larme pour moi ;
Et cette larme-là ne sera pas perdue,
Et saura bien trouver, à travers l’étendue,
Ce qui du vieux docteur en ce temps restera ;
Et si je suis étoile, elle resplendira
Comme une blanche perle en mon vase superbe.
Si je ne suis, hélas ! que millet ou brin d’herbe,
En recevant sur moi cette larme du cœur,
Je me croirai, mon fils, arbuste ou grande fleur,
Et je la porterai comme un lis sa couronne ;
Et si je la conserve au moins jusqu’à l’automne,
Cette larme d’un cœur pur et reconnaissant,
Je ne me plaindrai pas des affronts du passant.

Écoute, prends ma clé, jeune homme, et s’il t’arrive
De vouloir contempler ce que la foule oisive
Méprise hautement et raille sans conseil,
Entre dans mon jardin au coucher du soleil ;
Surtout garde-toi bien de folle inquiétude,
Entre comme un ami que je vois d’habitude,
Et pour qui dans mon champ il n’est rien d’étranger ;
Ose aborder mes fleurs et les interroger,
Et tu verras bientôt que ces fleurs, quoique reines,
Ne sont dans leurs palais ni fières ni hautaines,
Comme on le pourrait croire à des signes divers.
Car s’il leur arrivait de prendre de grands airs
Avec ceux que j’honore et compte en ma famille,
Je les humilîrais d’un coup de ma faucille.
Viens visiter mon champ, tu nous dois bien cela,
Car mes petites fleurs te connaissent déjà,
Et m’ont parlé de toi bien souvent dans leur vie,
Et je dois t’avouer qu’elles brûlent d’envie
De voir l’étudiant qu’elles ont pour voisin
Et dont la lampe veille ainsi jusqu’au matin ;
Car elles ont souvent épié ta fenêtre,