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REVUE DES DEUX MONDES.

Je n’aurais rien de plus souhaité dans un rêve.
Et comme un jeune lis, qu’une servante élève
Dans sa petite chambre, auprès de son rouet,
Sentant l’humidité qui vient de la forêt,
Et l’odeur des buissons et de la feuille verte,
Tend aussitôt le cou vers la croisée ouverte ;
Ainsi, dans ce moment, mon âme, triste fleur,
Se dressa dans mon sein de toute sa hauteur ;
Et voyant à l’entour, sur les ardentes plaines,
Les grâces du Seigneur se répandre à fontaines,
Les calices s’ouvrir et la sève monter,
Mon âme, triste fleur, se prit à regretter
De s’être dans un corps jadis épanouie,
Et pour avoir sa part de ces gouttes de pluie
Qui tombaient sur les fleurs, eût changé volontiers
Avec les moindres lis perdus dans les sentiers.

Or, après un moment de folle rêverie,
Je descendis tout seul dans l’humide prairie,
Afin d’aller chercher une belle moisson
Pour la vierge que j’aime et dont je tais le nom ;
Car cette douce fille est la seule pensée
Qui du fond de mon ame appelle la rosée ;
Le seul brin d’herbe vert, le seul bouton vermeil
Que fécondent en moi la pluie et le soleil.
Et si tu n’aimes pas sa grâce naturelle,
Et les douces pâleurs de son calice frêle,
Sors de mon champ, lecteur, car tu la trouveras
Partout sous tes regards et partout sous tes pas.
J’allais pour lui cueillir les pâles violettes,
Et les coquelicots et les pieds d’alouettes,
Et ces petites fleurs, toutes peintes de bleu,
qui poussent dans les prés à la grâce de Dieu,
Et dont elle aime tant, cette fille charmante,
À couvrir son clavier le soir quand elle chante.
Or, comme j’étais là plein d’amour et d’espoir,