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DOCTOR MARGARITUS.

ii.

L’autre jour, le soleil quittait le ciel à peine,
Qu’une averse tomba tout à coup sur la plaine ;
Averse de printemps qui, du faîte au sillon,
Émeut dans tous ses sens la végétation ;
Averse bienfaisante, et dont la fraîche ondée
Fait grandir dans les champs l’herbe d’une coudée,
Qui de la plaine aride apaise les ardeurs,
Et dégage le sol de ses chaudes odeurs ;
Averse de printemps qui, sur les herbes mûres,
S’épanche à large goutte avec de frais murmures,
Et de vagues soupirs étranges et confus,
Que nous autres, hélas ! nous ne comprenons plus,
Mais qui, pour les oiseaux que la feuillée abrite,
Pour l’insecte caché sous une marguerite,
Pour le petit lézard qui se tient attentif,
Et du fond d’un buisson en saisit le motif,
Et l’écoute et le suit d’une oreille inquiète,
Font une symphonie élevée et complète,
Une musique, un air harmonieux et frais,
Et tel que Beethoven n’en composa jamais.

Or, j’avais ce jour-là travaillé comme on prie,
Pour chasser de mon ame une image chérie.
Mais sitôt que la pluie à tomber commença,
Le ciel à s’éclaircir, dès que l’acacia
Se mit à secouer ses larmes sur mon livre,
Je relevai la tête, et je me sentis vivre ;
Et respirant l’air frais qui me venait des champs,
Pour la première fois je bénis mes vingt ans.