Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 3.djvu/463

Cette page a été validée par deux contributeurs.
455
DOCTOR MARGARITUS.

Comme de gais enfans alertes et dispos,
À l’heure du dîner revenus de l’école,
Vers la petite chambre où leur père s’isole,
Courent tous bruyamment, et la troupe frivole
Le forçant aussitôt à quitter ses travaux,
L’un monte sur ses bras et l’autre sur son dos ;

Et lui, laissant alors ses études profondes,
Au milieu de ce trouble est calme et bienheureux,
Et ne prend plus souci des choses et des mondes ;
Et, ployant sous le faix de ces têtes si blondes,
Devient semblable au tronc puissant et généreux
D’un bel arbre chargé de fruits mûrs et nombreux ;

Ainsi, lorsque ces fleurs ont adoré leur père,
Et sur ses cheveux blancs appelé le bonheur,
Elles grimpent autour des jambes du docteur,
Et s’attachant à lui comme au chêne le lierre,
Montent sur sa poitrine, et dans sa boutonnière
Viennent se réunir ensemble sur son cœur.

Et le vieillard alors descend dans la prairie,
Et jusques à la nuit se promène à pas lent,
Et chaque fleur alors le nomme en l’appelant ;
La marguerite d’or ploie et le glorifie,
Et la plus faible tige, aux dépens de sa vie,
Pour le voir, sur son pied se relève en tremblant.

Et lui va dans le pré, radieux et superbe.
Et les fleurs, entr’ouvrant leur calice vermeil,
Lui disent : « Puisses-tu toutes nous mettre en gerbe
« Avant de t’endormir de ton dernier sommeil !
« Salut ! Margaritus, murmurent les brins d’herbe,
« Je t’aime et te bénis à l’égal du soleil. »