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DES ARTS EN HOLLANDE.

son atelier, d’excellentes copies des principaux tableaux de Rubens. Il a vu et connu nos artistes parisiens, et il est retourné dans sa patrie sans avoir dévié de la ligne qu’il s’était tracée dans ses études. Eeckout est bon coloriste et dispose avec talent les effets d’ombre et de lumière. Son principal défaut réside dans le peu d’expression qu’il donne à ses physionomies. Il a trop peur aussi parfois des tons heurtés dont son maître tirait un si prodigieux parti. Il faut plus d’abandon et d’audace pour marcher dans la voie de Rembrandt. Le tableau qu’Eeckout achève en ce moment, a pour sujet l’assassinat de Guillaume Ier dans le Prinsen-Hof, à Delft. Le prince, frappé à mort, tombe dans les bras de ses officiers au bas de l’escalier du palais. Un jour vif éclaire cette scène du premier plan, tandis que le milieu reste dans l’ombre, et que les marches supérieures, garnies de hallebardiers en cuirasses, reçoivent d’en haut une lumière mystérieuse et douce. Cette disposition rappelle celle de la Ronde de nuit. L’effet général en est excellent. Eeckout aurait sagement fait, disons-le-lui, de ne pas emprunter au vestiaire d’un théâtre les habits anti-historiques qu’il a jetés sur le dos de ses personnages.

Je ne parle pas, et pour cause, des tableaux historiques de M. Pieneman père, exposés dans le musée de La Haye. M. Pieneman est un professeur de l’académie royale d’Amsterdam. On sait ce qu’est la peinture de professeur, ce quelque chose sans défaut comme sans qualités, qu’on ne peut aimer ni haïr, à qui l’on tire en passant son chapeau, comme à une ancienne connaissance que l’on a rencontrée vingt fois, cent fois, mille fois, dans tous les musées où il y a des tableaux de professeurs. À la dimension près, c’est toujours le même tableau ; il y a un modèle pour cela comme pour la colonne dorique. J’en ai autant à dire de Kruseman, qui pourtant réussit assez bien quelquefois dans les éternelles études de paysans et de paysannes de Rome.

M. Pieneman fils représente des sujets de bataille, des uniformes, des chevaux. Horace Vernet semble être son chef d’école. Mœrenhout[1] traite le même genre avec beaucoup d’esprit et de délicatesse. Il peint aussi de gracieux paysages égayés par

  1. Prononcez Mourenhâout.