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DES ARTS EN HOLLANDE.

été plusieurs fois enrichies des belles œuvres de Koëkoëk, de Schotel et de Schelfout[1], et que, dans les capitales allemandes, elles jouissent du crédit le plus honorable. J’ai visité la plupart des artistes modernes de la Hollande dans leurs ateliers, et j’ai formé le jugement que je vais hasarder sur eux, non pas seulement d’après les collections et les musées, mais aussi d’après les études et les esquisses, qui révèlent souvent, mieux qu’un ouvrage achevé ne le peut faire, la portée d’un talent. Ce sera certainement la première fois que la presse française se sera occupée de ces noms, mais il n’est jamais trop tard pour s’instruire de ce qu’on ignore et pour rendre justice à quiconque y a droit.

Koëkoëk, Schelfout et Schotel occupent le rang suprême dans l’estime de leurs compatriotes. Les deux premiers peignent plus spécialement le paysage, et le dernier la marine. M. le colonel de Céva vient d’acquérir le dernier tableau de Koëkoëk, et, au dire des artistes, le plus excellent que leur camarade ait produit. C’est une toile d’une moyenne dimension. Le sujet représente une forêt vers le mois de juin. Les premiers plans sont chargés d’arbres hauts et touffus avec des éclaircies dans l’épaisseur des taillis. Le soleil s’infiltre à travers les branches, et déroule çà et là de larges tapis dorés. La saison qu’a choisie le peintre a toujours été l’écueil des paysagistes. À cette époque de l’année, tout est verdure, même les reflets et les ombres, qui participent plus ou moins du ton général de la nature. L’auteur n’a pu échapper à ce vice de son sujet. Le premier aspect de sa toile lui est donc défavorable ; mais peu à peu les yeux se familiarisent avec cette teinte dominante, et découvrent les beautés partielles de l’œuvre. Le style de Koëkoëk a de la largeur et du relief ; les troncs de ses arbres sont chaudement colorés ; le feuillis en est habilement massé ; les lointains ont de la vapeur et de la fuite sans la moindre minutie de détails. On reconnaît là un peintre hardi et sûr de lui-même, qui attaque de front les plus invincibles difficultés. Les deux grandes qualités du paysagiste, qui se trouvent rarement réunies dans un seul homme, Koëkoëk les possède à un très haut degré, la précision du dessin et l’audace de la couleur. Sa manière se rapproche beau-

  1. Prononcez Koukouk, Skôtle, et Skelfâoute.