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composition ; suivez le travail de leur humeur boudeuse, pas un coup de pinceau n’échappe à son odieux contrôle ; tantôt c’est une proportion trop grande ou trop courte, tantôt un clair ou une ombre portée dont on ne se rend pas raison, tantôt un outrage flagrant à la sainte unité ; ce qui les dépite le plus, c’est de ne pouvoir arriver à comprendre nettement le sujet que le peintre a voulu rendre. Insensés ! qui perdent leur temps à chercher des taches dans le soleil. Pourquoi vouloir que Rembrandt soit autre que la nature l’a fait ? Chaque partie de la création n’est-elle pas sortie des mains de Dieu avec une ame et un corps, avec ses qualités et ses vices ? Si le bon surpasse le mauvais, que voulez-vous davantage ? Là où l’admiration commence, la critique perd ses droits.

Si le musée d’Amsterdam n’a pu réunir que quatre tableaux de Rembrandt, il faut convenir du moins qu’ils sont heureusement choisis, et qu’ils révèlent mieux le génie de ce maître que la galerie de Médicis, par exemple, exposée dans notre musée du Louvre, ne nous fait connaître Rubens. On ne peut se flatter d’apprécier convenablement Rembrandt sans avoir vu les musées de la Hollande, de même qu’il faut avoir visité Anvers pour acquérir le droit de formuler une opinion sur le prince des coloristes flamands.

On sait qu’une partie des œuvres du grand peintre hollandais consiste dans les compositions gravées par lui-même à l’eau forte. Toutes les capitales de l’Europe ont acquis à grands frais les principales de ces gravures ; mais la plus complète collection existe dans le musée d’Amsterdam. Un vieillard d’une rare distinction, homme érudit et passionné pour les arts, fait en personne les honneurs de ce cabinet aux étrangers et aux artistes. Par les soins de M. Apostool, l’ordre le plus parfait règne dans la galerie de peinture et dans la bibliothèque, et ces trésors sont toujours ouverts à ceux qui les veulent admirer.

Parmi les collections particulières de tableaux et de dessins, je mentionnerai d’abord celle de M. le colonel de Céva, aide-de-camp du prince d’Orange, à La Haye. Elle est tout entière formée des productions de l’école contemporaine. C’est là que nous allons faire connaissance avec ces artistes modestes dont la gloire s’est presque concentrée dans les limites du royaume des Pays-Bas. Je dois dire cependant que les expositions de Dusseldorf ont