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tout, pourraient bien n’être que des maladies passagères de l’esprit humain, aussi peu nécessaires dans l’ordre moral que les saisons de pluie folle ou les tremblemens de terre le sont dans l’ordre matériel.

Voulez-vous voir des choses qui transportaient Henri viii, Clément vii, Charles-Quint, Thomas Morus, Fischer, Sadolet, Henri Étienne, Mélanchton, Œcolumpade, Budé, les princes les plus lettrés de l’Allemagne, les prélats les plus illustres de l’Europe ; des choses qui radoucissaient presque la Sorbonne si endurcie contre Érasme ; que les moines et les théologiens en état de comprendre se défendaient de lire pour n’avoir pas à mollir dans leur implacable haine contre l’auteur ; que Luther lui-même permettait à Mélanchton d’admirer, et qu’il ne savait réfuter que par des injures ? Voici une définition de ce libre arbitre concilié avec la grace et la prescience ; voici qui faisait lever de leurs lits antiques les convives cicéroniens de Sadolet ; voici qui faisait bondir Luther dans sa chaire de Wittemberg :


« Il y a dans toutes les actions humaines un commencement, un progrès et une fin. Les partisans du libre arbitre attribuent à la grace les deux extrêmes et n’admettent l’intervention active du libre arbitre que dans le progrès, de telle façon que deux causes se trouvent concourir simultanément à l’œuvre d’un seul et même individu, la grace de Dieu et la volonté de l’homme ; de telle façon encore que, de ces deux causes, la grace est la principale ; la volonté ne vient qu’en second et ne peut rien sans la cause principale, laquelle au contraire se suffit à elle seule. Il en est de cela comme du feu qui brûle en vertu de sa propriété naturelle, mais dont la cause principale est Dieu qui agit par le feu ; cette cause suffirait seule pour produire le feu, tandis que le feu ne peut rien s’il se soustrait à elle. C’est par ce juste tempérament que l’homme doit rapporter l’œuvre entière de son salut à la grace divine, l’intervention du libre arbitre y étant pour une très petite part, et encore cette petite part dépendant elle-même de la grace divine, laquelle a fondé une fois le libre arbitre et l’a relevé ensuite, et guéri de la chute qu’il avait faite en la personne d’Adam. Ces explications doivent apaiser, si tant est qu’ils soient hommes à s’apaiser, nos dogmatistes intolérans qui ne veulent pas que l’homme ait en lui quelque chose de bon qu’il ne doive uniquement à Dieu. Sans doute il le lui doit, mais voici comment :