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dit-il quelque part[1], pourvu qu’elle ne soit pas mêlée de ces superstitions que je blâme, et non sans motif. J’appelle superstition, quand des chrétiens demandent tout aux saints, comme si le Christ était mort ; quand nous leur adressons nos prières, avec la pensée qu’ils sont plus exorables que Dieu ; quand nous demandons à chacun en particulier des graces toutes spéciales, comme si sainte Catherine pouvait nous donner ce que nous n’obtiendrions pas de sainte Barbe ; quand nous les invoquons non à titre d’intercesseurs, mais d’auteurs de tous les biens qui nous viennent de Dieu. » Il insinuait que la confession à Dieu seul suffisait, tout en ajoutant comme correctif : « Gardons la confession au prêtre, quoiqu’on ne puisse prouver par des raisons solides que ce soit une institution de Dieu. » Le choix des mets, des vêtemens, le jeûne, les prières pour pénitence, les solennités publiques des jours de fête, lui paraissaient du judaïsme. Il se choquait que, durant le mystère de la consécration, les chantres et le chœur entonnassent un hymne en l’honneur de la sainte Vierge, « comme s’il était séant, remarquait-il, d’invoquer la mère en présence même du fils ! » Il exaltait ces temps de la primitive église, où nulle voix ne se faisait entendre dans le temple à ce moment solennel, où le peuple, courbé vers la terre, silencieux, rendait du fond du cœur des actions de graces à Dieu ; où l’église n’avait qu’un prêtre pour célébrer le saint sacrifice, au lieu de cette foule d’ecclésiastiques que la religion d’abord, et plus tard le lucre, ont tant multipliés. Il mettait la chasteté conjugale au-dessus de celle des prêtres et des religieuses ; il se moquait des vieilles filles, et préférait le mariage à leur virginité. Il osait défendre le divorce. Il ne voulait pas que le peuple baisât les sandales des saints, ce qui est bien, quod bene fit, disait la Sorbonne[2], la Sorbonne, grande ennemie d’Érasme, long-temps avant que Luther eût compliqué ses affaires, et irrité tous ses frélons[3].

Quand Luther poussa son premier cri de guerre, déjà les écrits d’Érasme avaient gagné aux idées de la réforme tous les hommes

  1. Lettre à Sadolet, 1270. D. E.
  2. D. Erasmi declarationes ad censuras colloquiorum.
  3. Crabrones.