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pairie, sans ces milliers de citoyens de tous rangs dont les droits sont écrits dans la Charte qui consacre aussi les droits du roi ! Non, une telle pensée n’est qu’un rêve, et nous renonçons à la discuter sérieusement.

Mais ce qui est sérieux, ce qui menace de plus près, c’est la violence qu’on s’apprête à faire à la presse. M. de Broglie l’a annoncé presque ouvertement à la chambre des pairs. Les hommes ardens de la chambre des députés sont en permanence depuis deux jours, et échangent les propositions les plus violentes. Déjà quelques ouvertures ont été faites par la presse ministérielle. « Ici, a dit une de ces feuilles, la force répressive et défensive n’est plus qu’un moyen secondaire ; il n’y a remède au mal qu’en s’attaquant directement aux agens de corruption qui pervertissent les individus, et leur inspirent le fanatisme des croyances criminelles. » Une autre feuille demandait qu’on interdît à l’avenir la discussion du principe de gouvernement, sans doute en rayant préalablement cet article de la Charte de 1830 : « Tous les Français ont le droit d’émettre et de publier librement leurs opinions, en se conformant aux lois. » Mais sous Henri iii, on ne discutait pas librement le principe du gouvernement, et Henri iii fut éventré. Sous Henri iv, la presse n’était pas libre, et Henri iv mourut par le couteau d’un assassin. La censure qui frappait les écrits et les journaux au temps de Louis xv ne l’empêcha pas d’être assassiné par Damiens. La discussion du principe du gouvernement était sévèrement interdite et rigoureusement punie sous Louis xviii, Louvel n’en fit pas moins son coup. Non, vous n’avez pas trouvé le remède. La presse, la presse la plus violente surtout, celle dont vous vous plaignez, dont nous nous plaignons aussi, loin de les seconder, a empêché, a déjoué vingt complots, vingt assassinats. La presse dit tout, elle révèle tout ; c’est une écluse qui vomit à la fois, quand elle s’ouvre, et l’eau pure et la bourbe. C’est à la fois votre conseil et votre police, police mieux faite mille fois que celle sur qui vous vous reposez, dont l’impuissante brutalité laisse évader vos prisonniers, et assassiner, autour du roi, nos plus illustres citoyens.

Nous aurons le courage de tout dire. Personne n’éprouve un éloignement plus vif que le nôtre pour l’esprit de parti sombre, destructeur, fanatique, exclusif, despotique et étroit, sous une apparence de libéralité et de réforme, dont les organes sont accusés en ce moment d’avoir perverti les individus et de leur avoir inspiré le fanatisme des croyances criminelles. Quant à nous, nous n’avons jamais laissé passer l’occasion de séparer nos principes de leurs principes ; mais nous le disons aujourd’hui avec une franchise qui mérite quelque croyance : le mal ne vient pas de là. Ce n’est ni le Réformateur ni la Tribune qui ont aligné les fusils de Gérard, et la