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POÈTES ET ROMANCIERS ANGLAIS.

der sur le triple sommet d’Eildon. Ce sont les esprits de puissance rassemblés à sa cime qui se lamentent de voir s’éloigner le puissant génie. Et cependant la Tweed unit sa plainte à leur plainte, elle qui se plaisait tant à chanter ses joyeux airs. Sa voix est toute triste maintenant et douloureuse. Reprenez courage pourtant, ô vous qui pleurez ! Tout ce que le monde a de souhaits ardens de bonheur l’accompagne. Il part, le merveilleux potentat, suivi d’un plus noble cortége de bénédictions et de prières, que jamais n’en virent après eux rois ou conquérans, le sceptre en main et le diadème de laurier au front. Ô vents de l’Océan et de la Méditerranée, soufflez rapides et prospères, hâtez-vous de pousser vers Parthénope le précieux navire qui vous est confié. »

C’est toujours le sonnet dont il aime surtout la forme précise et condensée. C’est dans son rhythme étroit qu’il enferme de préférence les soudaines pensées que la fantaisie lui suggère. Il est bien en effet l’impatient niveleur littéraire que nous signale Hazlitt quand il s’écrie :

« Assez de guirlandes ! assez de la houlette d’Arcadie ! assez de toutes les chansons de l’Italie et de la Grèce ! assez de leurs bergers endormis sous les berceaux de myrte ! Nos pâtres à nous couchent sur les rochers nus ; ils sauteront d’un bond les ruisseaux grossis par la pluie glacée, et cependant ils ne regarderont pas même à leur droite ou à leur gauche ; pas une pensée ne leur viendra qui n’ait son facile chemin tout frayé dans un esprit sans inquiétude. Oh ! quel est le livre écrit qui enseignerait ce qu’ils apprennent ? En avant, hardi montagnard ! Guide le barde ambitieux d’être admis comme toi au conseil privé de la nature, et de gravir ces hauteurs ceintes de nuages qui voient et entendent à quels terribles ministres délègue son pouvoir sur la terre celui qui travaille seul dans le ciel des cieux ! »

Mais n’est-ce pas là chez lui plutôt boutade d’inspiration que système ? Est-ce que son esprit au contraire ne se tourne pas sans cesse involontairement vers le passé, tout en accusant l’inutilité de ses leçons ? Ne dit-il pas :

« À quoi bon ces débris que nous ne ramassons qu’en troublant la paix des dernières ruines de l’ambitieuse Rome ? À quoi bon, s’ils ne répriment pas nos aspirations trop hautes, s’il ne calment pas nos vaines agitations ? S’il faut que le cerveau s’emplisse encore des flatteuses illusions du monde, mieux vaudrait qu’il fût vide et n’eût point de place pour la pensée, comme le vieux casque rouillé, comme la tête morte sans yeux, qui se glorifiait naguère des panaches de son cimier. Le ciel une fois hors de notre vue, où sont nos désirs ? où sont nos tendres re-