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POÈTES ET ROMANCIERS ANGLAIS.

emportent. Wordsworth s’est trop préoccupé de la critique contemporaine, et il ne s’est pas assez inquiété du jugement de la postérité non plus que de l’opinion, nous ne dirons pas de ses amis privés, mais de ceux que lui avaient faits ses ouvrages. Puisqu’il n’avait pas voulu poursuivre le succès dans les voies qu’avaient frayées les modèles établis, devait-il être si fort surpris de ne point voir son originalité reconnue et proclamée tout d’abord ? Il a trop rongé son frein. Il a couvert le mors de trop d’écume. Sa course n’eût pas été moins glorieuse pour être moins impatiente. À quoi bon s’amusait-il à répondre au défi de ses obscurs aristarques ? À quoi bon échangeait-il avec eux les coups de feu de la dispute ? C’était là bien mal placer le point d’honneur. Wordsworth est vraiment trop susceptible et trop irritable sur ces matières. Sans doute la censure le mortifie plus que la louange ne le satisfait ; car enfin depuis quelques années le vent a changé pour lui, et lui est prospère. Il compte maintenant une troupe nombreuse d’ardens admirateurs : la faveur que lui montre à présent le public est assez marquée pour le sauver de la dernière extrémité à laquelle un homme de génie puisse être réduit. Il n’a plus besoin de se faire lui-même le dieu de sa propre idolâtrie. —

Nous avons, dans le long extrait qui précède, sinon donné partout littéralement, au moins suivi de fort près le texte d’Hazlitt. Si nous l’avons laissé parfois d’un pas, ce n’est pas notre faute ; c’est que le prosateur, tout prompt qu’il est à blâmer chez le poète l’obscurité, n’est pas toujours parfaitement clair lui-même. Nous nous sommes donc vu contraint çà et là de prendre avec son style quelques licences. Mais c’est aux détails et fort sobrement encore que nous avons touché. Nous aurons effacé une ligne par hasard, nous en aurons ajouté une autre ; nous aurons élagué une redondance, reconstruit une idée, raccordé une métaphore, voilà tout.

D’ailleurs, si les vues fines et animées abondent dans ce morceau, les appréciations y sont parfois légères, vagues, contradictoires. Mais ce n’est pas notre dessein de juger ici le juge et de vérifier en détail sa critique. Il nous reste à compléter ce travail tout d’introduction, en traduisant quelques pièces du nouveau recueil de Wordsworth. Il suffira d’emprunter à ce seul volume nos citations. Le poète y est resté tout ce qu’il était dans les précédens. Il ne s’est ni modifié ni renouvelé ; c’est toujours le même choix insoucieux des sujets ; c’est la même chaleur d’effusion à l’aspect d’un nid de fauvette, d’une marguerite ou d’un brin d’herbe. Ce sont encore de petits enfans qu’il prend par la main et auxquels il parle de Dieu, de la vie et de la mort, avec une