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que nous méditerons dix fois plutôt qu’une ceux du chantre de Child-Harold. Ou bien, si parmi les écrits du célèbre lord, il en est quelques-uns qui nous fassent rêver et sentir aussi longuement, ce sont ceux où il est simple et vrai comme Wordsworth : car parfois Byron laisse lui-même de côté sa pompe et sa prétention habituelles ; parfois il daigne descendre aussi sur le terrain commun de l’humanité.

Ce qui caractérise principalement les ouvrages de notre poète, c’est l’impression diverse qu’ils produisent. Ils seront pour vous inintelligibles, ou leur sens profond se gravera en vous ineffaçablement. Votre cœur cuirassé les repoussera,


Fall blunted from the indurated breast.


Ou bien ils le pénétreront pour n’en plus sortir. Une classe de lecteurs s’en éprendra passionnément et les trouvera sublimes ; une autre (et nous en avons peur, celle-là sera la plus nombreuse) les dira ridicules. Wordsworth a réalisé probablement le vœu de Milton. — Il a trouvé cet auditoire choisi que l’on compte d’un regard. — Pourtant nous avons lieu de le croire peu résigné à ce partage.

Il y a dans l’Excursion de délicieuses parties de description. Il y en a d’autres de réflexion inspirée, qui, par le son des pensées et la majesté du langage, ressemblent à de célestes symphonies, à de mélancoliques requiem chantés sur le tombeau des espérances humaines ; mais, disons-le en toute sincérité, ce poème, à notre avis, ne sera jamais populaire au même degré que les Ballades lyriques. Il affecte un système sans le justifier jamais nettement. Au lieu de montrer le principe qu’il adopte sous toutes ses faces rayonnantes, il répète sans fin ses conclusions, au point de les rendre insipides. Son style est terne et confus, à moins que le sentiment accumulé ne force en jaillissant la clarté de l’expression. Il est plus analytique que synthétique ; il est plus en réflexion qu’en théorie. L’Excursion n’a jamais été qu’un poème mort-né ; il faut qu’il y ait eu dans sa conception quelque hâte maladroite et imprévoyante. D’ailleurs, l’exécution en est pénible et laborieuse ; il y a trop de rusticité constante dans la scène et les personnages. Le plan faisait des promesses qu’il n’a pas tenues. C’est comme si vous entriez en une salle magnifique, et qu’on vous invitât à vous asseoir avec des rustres à un splendide banquet où l’on ne vous servirait pour tous mets que des dumplins aux pommes. Ce ne sera pas même toujours des perdrix.

Wordsworth est au-dessus de la taille moyenne ; ses traits sont mar-