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LA QUENOUILLE DE BARBERINE.

rentrer avec la même aisance, et vous promettre de nouveaux succès. C’est alors que vous recueillerez les fruits de la troisième maxime : « oser, c’est avoir, » et que vous serez réellement expérimenté, redoutable et puissant.

ROSEMBERG.

Ah ! seigneur Dieu ! si j’avais su cela plus tôt ! Vous me faites penser à un certain soir que j’étais assis dans la garenne avec ma tante Béatrice. Je sentais justement ce que vous dites là ; il me semblait que le monde disparaissait, et que nous étions tout seuls sous le ciel. Aussi je l’ai priée de rentrer au château ; il faisait noir comme dans un four.

LE CHEVALIER.

Vous me paraissez bien jeune encore, et vous cherchez fortune de bonne heure.

ROSEMBERG.

Il n’est jamais trop tôt, quand on se destine à la guerre. Je n’ai vu un Turc de ma vie ; il me semble qu’ils doivent ressembler à des bêtes sauvages.

LE CHEVALIER.

Je suis fâché que des affaires d’importance m’empêchent d’aller à la cour cette année ; j’aurais été curieux d’y voir vos débuts.

ROSEMBERG.

Pouvez-vous croire que j’oublie cette rencontre ? C’est le ciel qui m’a conduit sur cette route ; une auberge si incommode ! des draps humides, et pas de rideaux ! Je n’y serais pas resté une heure, si je ne vous avais trouvé.

LE CHEVALIER.

Que voulez-vous ? Il faut s’habituer à tout.

ROSEMBERG.

Oh ! certainement ; ma tante Béatrice serait bien inquiète si elle me savait dans une mauvaise auberge. Mais nous autres garçons, nous ne faisons pas attention à toutes ces misères. Que Dieu vous protège, cher seigneur ! Mes chevaux sont prêts, et je vous quitte.

LE CHEVALIER.

Au revoir ; ne m’oubliez pas. Si vous avez jamais affaire au vaïvode, c’est mon proche parent, et je me souviendrai de vous.

ROSEMBERG.

Je vous suis tout dévoué de même.

(Ils sortent.)