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LE PARLEMENT ANGLAIS.

Quand je rentrai dans la galerie, la salle présentait un tout autre aspect. C’est que la petite pièce était achevée. La grande allait commencer. Les rangs de droite et de gauche se serraient d’instant en instant ; chacun accourait à son poste.

Lord John Russel, le commandant officiel en chef des réformistes, avait paru au banc des ministres, à la droite du speaker. À ses côtés on distinguait ses principaux aides-de-camp, le chancelier de l’échiquier, M. Spring-Rice, au large front chauve, au visage de satyre, le parleur le plus habile, sinon la plus forte tête du cabinet ; lord Morpeth, secrétaire pour l’Irlande, grand jeune homme que ses cheveux gris prématurés, qui paraissent blonds de loin, font ressembler à un bel adolescent timide et rougissant ; lord Palmerston, vieux dandy joufflu dont la grosse figure semble s’épanouir plus satisfaite entre ses épais favoris, depuis qu’il n’est plus mené en laisse par M. de Talleyrand ; lord Palmerston, qui n’a pas voulu être fait pair après son dernier réavènement ministériel, parce qu’il prétend que son éloquence a le champ plus libre aux communes qu’à la chambre des lords.

En face du groupe ministériel, et séparé de lui seulement par le bureau des greffiers, se tenait sir Robert Peel, entouré aussi de ses colonels conservateurs, parmi lesquels se distinguait, à ses formes grotesques, lord Granville Somerset, le Quasimodo de Westminster, que sa double bosse n’empêche pas d’être l’un des plus alertes à sonner le tocsin protestant contre le papisme.

Çà et là vous eussiez vu d’autres célébrités de l’assemblée : Daniel O’Connell, notre grand O’Connell, calme et absorbé dans la lecture d’un livre nouveau dont il coupait les pages, au milieu de ses fils, de ses neveux, de ses catholiques irlandais qu’on nomme sa queue, his tail ; — queue si vous voulez, mais qui mène la tête de l’état ; et auprès d’eux, lord Stanley, le jeune héritier de la maison des Derby, cet élégant ambitieux désappointé, qui n’avait encore déserté que de cœur les bancs des réformistes.

Puis, vous eussiez remarqué debout deux jeunes hommes aussi différens par la taille et la tournure que par les opinions, mais célèbres dans le monde de la mode l’un et l’autre, et qui, à ce titre, méritent également de vous être décrits.

Le premier, le vicomte Castelreagh, fils du marquis de Londonderry, conservateur effréné comme son père, mais moins naïf et plus discret. Mince, chétif, sans apparence et sans talent, ce n’est pas aux communes qu’il existe en réalité ; ce sont les salons du West-End qui sont sa véritable atmosphère, c’est là que sa fatuité trouve seule-