Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 3.djvu/315

Cette page a été validée par deux contributeurs.
307
LE PARLEMENT ANGLAIS.

Je vous ai dit en masse et de haut l’aspect général et les habitudes principales de la chambre ; il me reste à vous mener à l’une de ses séances. Nous choisirons celle où fut présenté le bill de réforme des corporations anglaises et galloises, qui, après un mois de débats, vient d’être enfin voté. Ce n’est pas que l’affaire ait été chaude. J’aurais pu vous faire assister à des escarmouches plus vives ; mais il nous eût fallu prendre quelque discussion de détails interrompue pour être reprise. Ici le drame sera simple, un et complet ; l’action principale mettra suffisamment en scène les trois premiers acteurs de la première assemblée politique.

Donc, le 5 juin, on savait que le soir lord John Russel devait apporter son bill aux communes. Quelle allait être cette mesure si long-temps promise et si impatiemment attendue d’un côté, si fort redoutée de l’autre ? La curiosité était grande dans Londres ; c’était le troisième jour des courses d’Epsom ! n’importe. Chacun était revenu en ville ; on avait laissé les paris de chevaux pour les partis politiques. Dès midi la foule encombrait les environs de Westminster ; on se pressait aux portes du palais des chambres.

Après plus d’une lutte violente où l’art de boxer m’eût été fort secourable, j’avais réussi à me glisser dans la galerie publique moyennant ma demi-couronne.

À trois heures, les prières dites, le speaker ayant compté du bout de son petit chapeau plat à trois cornes les membres présens, comme il y en avait quarante et au-delà, la séance s’ouvrit.

Il fut d’abord longuement question d’un bill qui réglait la distribution des eaux dans la paroisse de Mary-la-Bonne : c’était un débat peu divertissant, mais M. Henry Lytton Bulwer, M. Hume et sir Francis Burdett prirent la parole tour à tour à plusieurs reprises, et j’attachai mon attention à leurs personnes, sinon à leurs discours.

M. Henry Lytton Bulwer est un jeune radical qui mène une vie tout-à-fait aristocratique. Il est renommé pour l’élégance de ses grooms et de ses voitures. Nul n’a de redingote noire si courte et si pincée ; il parle bien et libéralement, d’une voix un peu aigre, la tête haute et crêtée, comme font les petits hommes ; c’est le frère aîné du romancier, il est lui-même l’auteur d’un certain gros volume sur la France où il juge vos mœurs, votre société, votre-politique et votre littérature avec un aplomb d’ignorante fatuité qui ne le cède en naïveté bouffonne qu’au livre absurde de lady Morgan. C’est un grand travers des Anglais que cette rage d’écrire ainsi sans connaissance, sans observation, sans étude, touchant tous les pays où ils passent. Il est fâcheux qu’un homme de