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LE PARLEMENT ANGLAIS.

il est toujours ivre. La sobriété de son estomac fait l’intempérance de sa langue et de son cerveau.

C’est ce prolongement continuel des séances dans la nuit qui empêche la chambre des communes de siéger les samedis. L’empiétement sur le dimanche serait autrement un sacrilége législatif inévitable, et le parlement, il faut en convenir, aurait mauvaise grâce à déroger lui seul aux lois puritaines qu’il maintient si rigoureusement, et qui prescrivent, durant les vingt-quatre heures du saint jour, une oisiveté si absolue et si universelle.

Deux mots de statistique personnelle à présent.

La chambre complète compte quatre cent soixante-et-onze membres pour l’Angleterre, vingt-neuf pour le pays de Galles, cinquante-trois pour l’Écosse, cent cinq pour l’Irlande, en tout six cent cinquante-huit. Dans les grandes occasions, bien peu d’entre eux manquent à leur poste. Six cent vingt-deux ont voté au commencement de cette session lorsqu’il s’est agi de l’élection du speaker actuel. M. Abercromby, l’élu de l’opposition, l’emporta seulement de huit voix sur sir Charles Manners Sutton, le candidat du ministère d’alors.

Vous voyez que la chambre est partagée en deux moitiés presque égales. D’un côté, le ministère et les réformistes ; de l’autre, les conservateurs, l’opposition d’aujourd’hui.

Chacune de ces grandes divisions se pourrait subdiviser peut-être. Si vous y teniez, on vous montrerait, parmi les réformistes, des whigs, des réformateurs-radicaux, des radicaux purs et des repealers[1] ; parmi les conservateurs, de vieux tories et des demi-conservateurs.

À quoi bon ? Ce ne serait pas chose facile que de démêler ces nuances diverses et incertaines. D’ailleurs, chaque jour, elles s’effacent pour se fondre en deux seules couleurs distinctes.

Existe-t-il des whigs d’abord ? Les whigs sont-ils un parti ? Mais non. Il y a quelques grands seigneurs, il y a quelques ministres-lords dont les ancêtres étaient whigs. Ils ne le sont plus eux-mêmes. Pour continuer d’être les chefs d’un vrai parti politique, ils ont dû se convertir au radicalisme, et se faire les interprètes et les avocats des exigences populaires. Qu’en est-il résulté ? Les whigs et les radicaux se sont absorbés les uns dans les autres. À voir tant de concessions libérales obtenues par l’Angleterre, les catholiques irlandais ont fait comme les radicaux purs ; ils ont ajourné leurs prétentions extrêmes ; ils ont cessé

  1. Les repealers sont les membres irlandais qui demandent le rappel de l’union entre l’Irlande et l’Angleterre.