Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 3.djvu/275

Cette page a été validée par deux contributeurs.
267
ÉRASME.

persuader, répond Eubulus, souvenez-vous du moins que je vous ai avertie. Je prie Dieu, par amour pour vous, que votre passion vous réussisse mieux que mes conseils. » Ainsi finit le colloque.

La Vierge qui se repent[1] en est la suite. Ce sont encore nos deux personnages, Eubulus et Catherine. Eubulus trouve la jeune fille tout en larmes. Le prieur du couvent est auprès d’elle. « Quel oiseau vois-je ici ? demande Eubulus. — C’est le prieur du couvent ; mais ne vous en allez pas ; on a fini de boire ; asseyez-vous un moment ; quand il sera parti, nous causerons. » Le prieur parti, les aveux commencent. La mère de Catherine, vaincue par ses larmes, avait fini par céder ; son père s’était montré plus ferme, mais les machinations des moines ayant lassé sa constance, il s’était rendu. On l’avait menacé d’une mort prochaine s’il enlevait une épouse à Jésus-Christ. Son consentement obtenu, la jeune fille avait été tenue comme en prison, pendant trois jours, dans la maison paternelle. Des femmes du couvent veillaient sur elle, empêchant que personne n’entrât dans la chambre, et l’excitant par leurs exhortations. Pendant qu’on préparait son costume de professe et qu’on disposait tout pour le repas d’usage, elle avait souffert quelque chose qui ne se peut pas raconter. Il lui avait semblé qu’un fantôme lui apparaissait : les femmes qui étaient là n’avaient pas vu ce fantôme ; mais pour elle, cette vue l’avait fait tomber comme morte. Revenue à elle, on lui avait expliqué sa vision ; c’était, selon ces femmes, un dernier effort du démon tentateur ; pareille chose leur était arrivée à toutes, disaient-elles, à ce moment décisif.

— « C’étaient, dit Eubulus, les folies de ces femmes qui vous avaient troublé l’esprit. »

Le quatrième jour on l’avait revêtue de ses plus beaux habits, comme si elle avait dû se marier…

— « À quelque moine grossier, interrompt Eubulus. »

Puis on l’avait amenée, au milieu du jour, de la maison de son père au couvent, où l’attendait une grande compagnie d’amis et de curieux. Elle n’y était restée que douze jours, après quoi elle avait été se jeter aux genoux de l’abbesse, la conjurant de la

  1. Virgo pœnitens.