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ÉRASME.

sans défense dans les ordres monastiques. Il comptait avec orgueil les recrues qu’il avait faites pour saint François, saint Dominique, saint Benoît, saint Augustin, sainte Brigitte, et autres chefs et fondateurs de couvens.

Quand les deux enfans furent en état d’être envoyés aux universités, qu’ils surent passablement de grammaire, et une bonne partie de la dialectique de Pierre d’Espagne, Guardian, craignant qu’ils ne prissent dans les universités des sentimens trop mondains, les fit entrer dans un couvent de frères quêteurs, sorte de moines, qu’on voit nichés partout, dit Érasme, et qui se faisaient quelques revenus à instruire les enfans. C’était la coutume de ces moines, s’il leur tombait entre les mains quelque enfant d’un caractère vif et d’une intelligence précoce, de l’éteindre sous les mauvais traitemens, les reproches, les menaces, et de le ployer peu à peu par l’abrutissement à la vie monastique. L’ordre des frères quêteurs fournissait des néophytes à tous les autres ordres, ce qui l’avait mis en grande faveur dans le monde monacal.

Ces frères étaient d’ailleurs fort ignorans, vivant dans les ténèbres de leur institution, étrangers à toute science, passant à prier le temps qu’ils n’employaient pas à gronder et à fustiger les enfans, incapables d’enseigner ce qu’ils ne savaient pas, et remplissant le monde de moines grossiers et indoctes, ou de laïcs mal élevés. Érasme et son frère vécurent deux années dans ce couvent, sous un maître illettré, et d’autant plus tranchant, choisi, non par des juges compétens, mais par le général de l’ordre qui en était souvent le moine le plus ignorant. Cet homme avait un collègue plus doux, qui aimait Érasme, se plaisait avec lui, et qui, l’entendant un jour parler de son prochain retour dans son pays, essaya de le retenir dans le couvent, et de l’y enrôler, lui faisant toutes sortes de récits de la vie heureuse qu’il y mènerait, et le prenant par des caresses, des baisers et de petits présens. Mais l’enfant fit une résistance d’homme ; il dit nettement qu’il attendrait, pour prendre un parti, que sa raison fût plus avancée. Le moine, homme d’un bon naturel, n’insista pas. Il n’était pas de ceux qui joignaient aux moyens de séduction des moyens de terreur, et qui employaient les exorcismes, les apparitions, les fantômes, pour ébranler les imaginations faibles, et recruter pour l’ordre, à