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Là où la politique et la religion sont continuellement agitées par des abstractions ardentes, il n’y a point de germes de mort. Il est vrai qu’à Byzance la société dissertait infiniment sur la théologie avant d’expirer ; mais elle tourmentait les subtilités d’une lettre morte, et n’était pas travaillée par les divinations de l’avenir. Or l’avenir d’une société est certain par cela seul qu’il est conçu et désiré par elle. L’avenir du monde, l’inépuisable grandeur de Dieu et l’immortalité de notre essence divine n’ont pas d’autre autorité et d’autre fondement que l’idée même et le désir que nous en avons.

Dans tous les camps, dans toutes les opinions et dans toutes les sectes, on remue les problèmes de la religion et de la politique, et la pensée ne sépare pas le thème religieux du thème social. Nous gravitons lentement vers une unité nouvelle de la politique et de la religion, unité qui servait de fondement aux sociétés antiques et à la société du moyen-âge, unité détruite depuis trois siècles par une décomposition nécessaire, mais qui demande une autre expression à la réflexion et à la science de l’humanité. Les indices de ce monument sont irrécusables. Soit pour retourner en arrière, soit pour s’élancer vers l’avenir, les théories développées unissent toujours la religion et la politique ; il est impossible à l’homme de ne pas s’attacher à la terre ; il ne peut davantage oublier le ciel ; et si l’entraînement du christianisme a été, dans sa sainte partialité, de sacrifier la terrestre existence à l’autre vie, l’humanité mieux avisée, et réfléchissant davantage, associe aujourd’hui à la conquête de l’idéal la poursuite du positif et du bonheur.

Même parmi ceux qui défendent la lettre et la théologie du christianisme, la plupart sont préoccupés des intérêts matériels, et pensent qu’en environnant d’un zèle fastueux l’ancienne religion, ils conserveront mieux l’ancienne société. Cette préoccupation est sensible dans les publications de la Gazette de France. Les publicistes qui rédigent ce journal se sont proposé constamment de soutenir l’ancienne monarchie par le christianisme, et le christianisme par l’ancienne monarchie. Par une conséquence naturelle, la philosophie moderne et la révolution française ont été l’objet de leurs constantes agressions.