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DES PARTIS ET DES ÉCOLES POLITIQUES.

gouvernement du pays ; c’est là qu’il faut porter toute l’influence qui vous appartient… On ne doit pas mettre une ferme confiance dans la prérogative de la couronne, ni dans l’autorité de la chambre des lords, La prérogative royale, l’influence des lords, sont constitutionnellement puissantes pour contrôler les actes de la chambre des communes ; mais on doit se garder de s’appuyer sur elles comme sur des remparts infranchissables[1]… »

Ces remparts seront franchis, en effet : plus ou moins d’accélération dans le mouvement, plus ou moins de froissement dans la chute, à cela se borne, dans les grandes péripéties sociales, l’action contingente des hommes politiques. Mais les intérêts de propriété, d’industrie, de moralité et d’ordre public, dont l’habile orateur se fait l’interprète, ces intérêts, légitimement égoïstes, parce qu’ils sont la source même du droit, abandonneront graduellement ce qui pourrait les compromettre, au lieu de leur être un point d’appui ; c’est ainsi que de grandes transformations politiques s’opèrent sans jeter les nations dans les chances incertaines d’une révolution sociale.

Quant à la révolution gouvernementale, elle est irrévocablement consommée par la substitution d’un système électoral à base fiscale à celui des franchises historiques.

Il y a près d’un demi-siècle qu’Edmond Burke, lançant contre une réforme analogue, taillée dans le vif par notre première assemblée délibérante, les traits de son ironie amère et désolée, s’écriait que la gloire de l’Europe était pour jamais éteinte. Que dirait aujourd’hui cet éloquent contempteur du présent, s’il siégeait au sein d’un parlement réformé, sur lequel pèse une mission d’autant plus redoutable qu’elle est moins déterminée ? Il s’écrierait sans doute, ce chevalier de la tribune, que si la Providence a récemment livré aux flammes l’antique chapelle de Saint-Étienne, c’est par respect pour la gloire de sa patrie, éteinte aussi pour jamais, et qu’il est juste de commencer, dans une salle construite d’hier, une œuvre qui soulèverait dans leur tombe tant d’illustres ombres. Jour solennel, en effet, que celui où l’incendie consuma le temple vénéré de la nationalité britannique, reflétant ses lueurs ardentes sur les eaux de la Tamise et jusqu’aux murs lointains de la sombre tour où souffrirent tant de confesseurs des vieilles libertés nationales ! jour symbolique où sembla se dessiner en spirales de feu la scission des siècles écoulés et des temps à venir, où l’on dut entendre,

  1. Discours prononcé au banquet de Taylor’s-Hall, 8 mai 1835.