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DES PARTIS ET DES ÉCOLES POLITIQUES.

on lisait dernièrement, dans le Journal des Connaissances utiles, une recette économique pour fabriquer avec des cordes en paille des paratonnerres aussi sûrs que ceux à conducteur métallique !

Ce n’est pas le lieu de rechercher quelles éventualités pourraient rendre plus étroite ou moins intime l’union de la classe moyenne et de la royauté actuelle. Dans la peinture naïve et fidèle d’une situation, il semble que les prévisions d’avenir doivent moins être indiquées d’une manière précise et saillante, que ressortir, comme les mystérieuses harmonies de l’art, de l’ensemble du tableau. Il suffit d’avoir remonté à la pensée qu’exprime le pouvoir et dont il tire sa force.

Ce fut une espérance légèrement conçue que celle de faire sortir du tremblement de terre de juillet une révolution purement démocratique. Le gouvernement par le peuple, conçu comme la forme paisible et permanente de la société, est celui qui suppose plus essentiellement des doctrines communes, une éducation politique dont les principes soient au-dessus de toute contestation, une égalité dans les mœurs et dans les idées, sans laquelle les institutions démocratiques sont d’autant plus tyranniques, qu’elles sont plus développées. Or, ce tableau est précisément la contre-partie de la situation morale de la France.

On a bien dit que la démocratie y coulait à pleins bords, et cette sentence du temps de la restauration était profondément vraie, en ce qu’elle indiquait l’affaiblissement, chaque jour plus manifeste, des idées aristocratiques en Europe ; mais elle était si loin du sens qu’y attache en ce moment l’école républicaine, que l’orateur qui encadrait ainsi dans un pittoresque tableau la pensée générale, saluait en même temps, comme prochain et fatalement inévitable, l’avènement à la suprématie politique de ces classes moyennes, « qui, disait-il alors, devaient beaucoup descendre pour apercevoir quelque chose au-dessus d’elles. »

Celui qui pendant dix ans commenta, avec la haute autorité de son caractère et de son talent, cette prophétique maxime, a été l’initiateur véritable du régime actuel, quoiqu’il le conçut dans des conditions différentes ; et quand, après sa fondation, on cesse soudain d’entendre cette voix honorée, ce silence ferait presque s’écrier, avec le chantre d’Orphée, que l’initié tue toujours l’initiateur.

Nous n’avons pas sans doute le dernier mot des sociétés humaines : par-delà ces classifications actuelles, auxquelles la fortune donne une base moins immobile, il est vrai, mais aussi rigoureuse que la naissance, l’œil de l’ame embrasse de plus larges horizons, et le christianisme, cette seconde vue de l’humanité, qui a déjà présidé à tant de transformations sociales, poursuivra jusqu’à la fin des temps son œuvre