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DES PARTIS ET DES ÉCOLES POLITIQUES.

dont le titre de concession était inscrit au parchemin poudreux des vieilles chartes, non dans la conscience et la volonté des citoyens. À ses pieds s’étendait une aristocratie, subsistant au même titre qu’elle-même, comme l’une des pierres fondamentales de la primitive société nationale.

À cette organisation, qui n’admettait le progrès que comme simple développement d’institutions inviolables, correspondait un système de propriété territoriale immobilisée. Résister par la grande propriété foncière à l’invasion de l’esprit industriel et démocratique ; lier à ces élémens de résistance ceux que pourrait fournir la hiérarchie religieuse ; remettre en honneur les antiques franchises historiques en insultant la liberté moderne, sortie jeune et tout armée du cerveau de la révolution de 89 ; inspirer à la France le goût de l’administration locale, pour amoindrir sa part dans le gouvernement politique du pays, exclusivement réservé à la pensée royale, servie par ses ministres naturels : tel était le symbole de l’école de droite, le dernier mot de ses espérances. Il lui fallut sans doute les dissimuler souvent pour parvenir au pouvoir, et encore plus pour l’exercer ; ces idées s’altérèrent, d’ailleurs, au contact des hommes et des affaires ; mais si la droite dut les modifier dans la pratique, elle les couva toujours dans la théorie : c’était par là qu’elle se tenait compacte en face du pays, et le pays en face d’elle.

Ce qu’il y avait, dans cet ordre de conceptions, d’antipathique au génie de la civilisation moderne, groupait alors l’opinion libérale, et lui imprimait un ensemble qui, ainsi qu’on a pu le voir depuis, tenait moins à la cohésion de ses élémens qu’à une résistance commune. La bourgeoisie, qui comprenait l’impossibilité de s’asseoir au gouvernement de la société, tant que le droit historique y conserverait la prépondérance ; l’industrie, dont l’importance et les développemens ne pouvaient se concilier avec l’ascendant de la propriété immobilière ; la démocratie, qui, dans ses sympathies patriotiques et ses tendances rationalistes, était sans cesse blessée par des idées et des affections qu’elle ne comprenait pas ; toutes ces forces, aujourd’hui séparées, marchaient alors de front contre un pouvoir que son origine enchaînait fatalement aux destinées d’une école dont il avait plutôt la volonté que la puissance de se séparer.

Si le parti libéral ne formait pas une école dans le sens propre de ce mot, c’était au moins une irrésistible coalition ; s’il n’était pas uni dans ses principes, il l’était dans sa résistance. On invoquait d’une commune voix l’extension de la prérogative parlementaire pour l’opposer à