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qu’elle peut en produire, aux eaux du fleuve un moteur puissant. Les qualités d’esprit et d’ame que supposent de telles conquêtes, sont des qualités presque négatives ; patience, persévérance, sagacité, tout cela exclut l’élan, le dévouement, l’abandon, le jet spontané de l’intelligence. Mettez, si vous le pouvez, de l’enthousiasme dans l’esprit industriel, et de la verve dans une route à rainures ! Le gain étant posé comme principe et comme but, le dévouement est la plus grande des sottises. Au lieu de la force expansive du génie et de l’art, vous aurez la concentration ardente et avide de l’intérêt. L’intérêt personnel se fait centre, il attire à lui les jouissances matérielles, pour se les approprier et les conserver. Le génie et l’art au contraire sont involontairement magnétiques ; idées, plaisirs, émotions, n’aboutissent à eux de tous les points de l’univers que pour acquérir une force nouvelle, une intensité victorieuse, et rayonner ensuite sur les intelligences vaincues et charmées !


Philarète Chasles.