à ses parens, quoique après tout elle fût très ignorante et plus simple, peut-être, qu’une fille élevée dans notre civilisation moderne ne l’est à l’âge de huit ans.
Élevée rudement, quoique avec amour et sollicitude, réprimandée, et même frappée dans son enfance pour les plus légères inadvertances, Mattea avait conçu pour sa mère un sentiment de crainte qui touchait de près à l’aversion aux heures de leurs renaissans orages domestiques. Altière et dévorée de rage, en recevant ces corrections, elle s’était habituée à les subir dans un sombre silence, refusant héroïquement à son tyran femelle la satisfaction de l’implorer, ou même de paraître sensible à ses outrages. La fureur de sa mère en augmentait, et quoique au fond elle aimât sa fille, elle l’avait si cruellement maltraitée parfois, que ser Zacomo avait été obligé de l’arracher de ses mains. C’était le seul courage dont il fût capable, car il ne la redoutait pas moins que Mattea, et, de plus, la faiblesse de son caractère le plaçait sous la domination de cet esprit plus obstiné et plus impétueux que le sien. En grandissant, Mattea avait appelé la prudence au secours de son oppression, et par frayeur, par aversion peut-être, elle s’était habituée à une stricte obéissance et à une muette ponctualité dans sa conduite ; mais la conviction, qui enchaîne et retient les cœurs, s’éloignait du sien chaque jour davantage. En elle-même elle détestait son joug, et dans toutes les sujétions qui en résultaient, sa volonté, son intention secrète démentait à chaque instant (non pas ses paroles, elle ne parlait jamais, pas même à son père, dont la faiblesse lui causait une sorte d’indignation), mais ses actions, et jusqu’à sa contenance. Ce qui la révoltait peut-être le plus, et à juste titre, c’était que sa mère, au milieu de son despotisme, de ses violences et de ses injustices, se piquait d’une austère dévotion, et la contraignait aux plus étroites pratiques du bigotisme. Cette piété, généralement si douce, si tolérante et si gaie de la nation vénitienne, était dans le cœur de la Piémontaise Loredana un fanatisme insupportable, et il avait produit chez sa fille une secrète haine et une profonde incrédulité pour tout le côté mesquin, injuste et cruel du vieux catholicisme. Tout en aimant la vertu, tout en adorant le Christ, et en dévorant à ses pieds chaque jour bien des larmes amères, la pauvre enfant