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PORTRAITS DE ROME.


De grands monceaux de terre, où l’enfance se rue,
Et des trous si profonds et si larges, que l’eau
Fait partout une mare en cherchant son niveau.


Ajoutons que ces traits ne sont pas les seuls ; il en est de plus poétiques, mais ils sont caractéristiques de la manière et du point de vue de l’auteur. On les retrouve encore dans cette apostrophe aux Romains :


O superbes fiévreux, gras habitans du Tibre.
................


Les poètes gagnent presque toujours à oublier les systèmes qu’ils se sont faits. Les vers les plus gracieux du Pianto sont des vers d’espoir adressés à l’Italie :


Divine Juliette, au cercueil étendue,
Toi qui n’es qu’endormie, et que l’on croit perdue,
Italie ! ô beauté !…


et M. Barbier ne se trouve pas mal de mettre un peu de côté sa misantropie obligée dans ce tableau du Forum aux approches du soir :


Au faîte des toits plats, au front des chapiteaux,
L’ombre pend à grands plis, comme de noirs manteaux.
Le sol devient plus rouge, et les arbres plus sombres ;
Derrière les grands arcs, à travers les décombres,
Le long des chemins creux, mes regards entraînés
Suivent des buffles noirs attachés par le nez.
Les superbes troupeaux à la gorge pendante
Reviennent à pas lents de la campagne ardente,
Et les pâtres velus, bruns, et la lance au poing,
Ramènent à cheval des chariots de foin.
Puis passe un vieux prélat, ou quelque moine sale,
Qui va battant le sol de sa triste sandale,
Des frères en chantant portent un blanc linceul,
Un enfant demi-nu les suit et marche seul.
Puis, des femmes en rouge, et de brune figure,
Descendent en filant des degrés de verdure.
Les gueux déguenillés qui dormaient tous en tas.
Se lèvent lentement pour prendre leur repas.