Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 3.djvu/169

Cette page a été validée par deux contributeurs.
161
PORTRAITS DE ROME.

justes, raisonnables, les autres aussi pédantesques et aussi prétentieuses que l’engouement même qu’ils attaquaient.

L’excellent et spirituel Bonstetten doit être mis au nombre des premiers. C’est par un sincère amour de l’humanité qu’il a mis en relief la misère effroyable des habitans de la campagne romaine, que la faim livre à la fièvre, comme le bourreau livre le patient à la torture. On aime à voir le philantrope, sorti de la hautaine aristocratie bernoise, s’intéresser vivement à des détresses populaires. On lui sait gré de n’être pas tellement absorbé par l’effet pittoresque de la campagne romaine, ou par les ruines d’Ardée ou de Laurentum, qu’il ne puisse trouver le temps de considérer et de déplorer la triste condition de ceux qui sont courbés sur cette campagne, ou se traînent et languissent parmi ces ruines.

L’auteur produit d’autant plus d’impression qu’il ne déclame point, mais dit simplement ce qu’il a vu et le fait voir au lecteur. Tel est le passage du Voyage dans le Latium, où M. de Bonstetten retrace une triste scène dont il fut témoin. Une jeune fille qui travaillait dans la campagne, s’évanouit de faim ; sa mère la couvrit de son tablier et retourna à l’ouvrage… « Que la plus pauvre cabane suisse me paraît riche en ce moment, s’écrie le digne voyageur ; je jetai les yeux autour de moi, et n’apercevant aucun abri, aucun secours, je fus pour la première fois effrayé de l’abandon et de la solitude de ce pays, si plein de souvenirs, si vide de réalité.»

Mais autant est touchant ce sentiment de compassion exprimé avec simplicité, autant est naturelle l’espèce de condamnation que M. de Bonstetten prononce sur le pays romain, autant est irritante la prétention sentimentale et philantropique qui se produit avec affectation dans un ouvrage où les prétentions et l’affectation abondent, dans l’Italie de lady Morgan.

Que les Anglais soient vivement frappés en entrant en Italie, et surtout en venant demeurer à Rome, de ce qui manque aux habitans en bien-être, en propreté ; que les vices évidens des gouvernemens italiens en général, et du gouvernement papal en particulier, choquent des hommes accoutumés au spectacle des mœurs constitutionnelles, et qu’ils expriment leur mécontentement du