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détesté. Montaigne et le Tasse se sont rencontrés dans cette ville, où l’un trouva la vie si douce, l’autre si amère. De plus, nous avons traversé tous les grands faits de l’histoire, depuis la chute de l’empire d’Occident jusqu’au commencement du xviie siècle. Nous avons vu la fin du paganisme et les illusions de son agonie ; l’établissement des barbares et leur superstitieux respect pour cette ombre de la puissance romaine qu’ils venaient effacer ; toute l’Europe gravitant vers son centre sacré ; la réforme préparée long-temps à l’avance par la littérature satirique du moyen-âge ; la renaissance des lettres classiques, cette autre réforme de l’esprit humain, préparée aussi durant les siècles d’ignorance par une tradition de sympathie et de respect pour l’antiquité, qui ne s’est jamais entièrement interrompue ; nous avons vu toutes ces choses sans sortir de l’enceinte du Pomerium romain. Continuons notre revue rapide des hôtes illustres ou bizarres qu’a reçus cette enceinte ; faisons pour les deux derniers siècles et pour le siècle où nous vivons ce que nous avons fait pour ceux qui ont précédé le xviie ; cherchons, dans les impressions personnelles des visiteurs successifs de Rome, l’histoire de leur ame, le caractère de leur action, le génie de leur temps.

En France, le xviie siècle se divise en deux époques bien distinctes, dont le caractère offre des différences tranchées. La seconde époque commence vers la majorité de Louis xiv ; la première comprend le règne de Louis xiii et la régence. Cette première moitié du xviie siècle, en France, a plus d’un rapport avec le xvie, dont elle continue en partie le mouvement ; elle s’en rapproche, entre autres choses, par une occupation et une pratique constante de la langue et de la littérature italienne. L’invasion ultramontaine avait été complète dans ce xvie siècle, où François Ier et les Médicis transplantèrent l’Italie en France. Elle continua, mais moins heureusement, au commencement du xviie siècle. La décadence commençait alors, en Italie, dans les lettres et dans les arts. Marini et Pierre de Cortone remplaçaient l’Arioste et Raphaël. Ce fut la littérature académique et arcadienne des sonnets et des concetti qui fit fureur en France jusqu’à Boileau. La plupart des fondateurs de l’Académie française étaient beaucoup plus versés dans les littératures espagnole et italienne que dans les lettres grecques et lati-