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REVUE. — CHRONIQUE.

et qu’en cette occasion la malveillance fait retentir d’une manière fâcheuse un nom qui lui est cher. Pour nous, pour tous ceux qui ont examiné attentivement l’intérieur de l’église de la Madelaine, nous nous félicitons, pour les arts, de l’humeur, fort juste d’ailleurs, de M. Delaroche. À voir le monument, il est facile de reconnaître que ces fresques, quelle que soit leur étendue, ne forment que des médaillons, qui gagneraient à être remplis par des mains différentes. Les statues qu’elles surmonteront, et qui sont en place, sortent des mains de nos premiers sculpteurs. Que Delacroix, que Scheffer, que Champmartin, que Sigalon, s’il est possible de le rappeler à temps de Rome, soient chargés de ces peintures, que M. Ziégler conserve son hémicycle, alors vous aurez d’admirables pages, achevées promptement, et vous n’aurez pas à encourir le reproche d’avoir accordé à l’intimité et à l’assiduité, un monopole qu’on ne peut réclamer qu’en se nommant Raphaël, Michel-Ange ou Vinci. Etex, Rude, Barye, Pradier, ont attaché leur nom à la Madelaine ; laissez les peintres arriver à leur tour ; et si M. Delaroche se trouve trop grand pour s’adjoindre à ses rivaux, qu’on lui ouvre le Panthéon où l’on voulait réléguer M. Ziégler, qu’on l’enfouisse tout vivant dans cette sépulture des grands hommes.

Les élégans de Paris parlent encore quelquefois de la voiture chargée de masques et attelée de quatre chevaux, qui traversait joyeusement les boulevards pendant les trois jours du carnaval. Cette voiture était celle de M. de Labattue, qui vient de mourir, à vingt-cinq ans, dans une auberge de Pise. Aujourd’hui, à l’Opéra, on voit une loge vide. Cette loge était celle de M. le comte de Labattue et de M. le comte Dubourg, morts tous deux le même jour ; l’un d’une chute de cheval, sur la route de Saint-Cloud ; l’autre dans un pays étranger, loin de sa patrie et de sa famille.

M. de Labattue possédait une fortune de cent mille livres de rentes, qui, par une disposition singulière, passe aux États-Unis, et doit servir à fonder, dans la ville de Washington, une université pour l’éducation de la jeunesse. Le père de M. de Labattue, citoyen anglais, enrichi en Amérique par le commerce, lui avait laissé sa fortune, en la substituant de la sorte, dans le cas où son fils mourrait sans enfans légitimes ou naturels. Tels sont les termes du testament. Le jeune Hinkinson avait été élevé en France ; à la mort de son père, mistriss Hinkinson épousa le comte de Labattue, qui adopta son beau-fils et lui donna son nom. La mort du jeune comte privera sa mère d’une fortune qu’elle partageait, à moins qu’un enfant naturel n’ait été reconnu par lui. On pense qu’il y a lieu d’élever cette opposition, et que les deux millions de M. de Labattue n’iront pas rejoindre, en Amérique, les vingt-cinq millions que les chambres ont si généreusement votés.