Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 3.djvu/125

Cette page a été validée par deux contributeurs.
121
REVUE. — CHRONIQUE.

tits évènemens, parmi lesquels figurent, en première ligne, l’affreux procès de M. de la Roncière et de Mlle de Morell, et la demande en séparation de Mme la comtesse de Châteauvillars, enlevée, pendant les débats, par son mari, qui l’a conduite en Allemagne. On s’est aussi beaucoup occupé de l’affaire de M. Delaroche et de M. Thiers, qui a disposé, en son absence, d’une partie des travaux de peinture de la Madeleine. Le débat n’est pas sans importance, car il peint à merveille la manière d’administrer de M. Thiers.

M. Thiers, qui aime à s’entourer d’artistes, et qui collige un musée composé de leurs mains, témoignait à M. Delaroche une amitié si vive, qu’il lui donna, à lui seul, tous les travaux de peinture de l’église de la Madeleine, c’est-à-dire sept tableaux immenses, sept vastes espaces, qui eussent absorbé vingt ans de la vie de Michel-Ange. M. Delaroche accepta tout, et cependant M. Delaroche avait si peu étudié la peinture à fresque, il avait si peu médité sur ce genre, qui demande des études et une conformation de talent particulières, qu’il demanda un congé d’un an pour aller étudier les fresques des maîtres en Italie. On ne connaît pas généralement le travail que demande la peinture à fresque. Le mur que l’artiste doit orner de ses conceptions est couvert, dans toute son étendue, d’un enduit de cire fondue, chauffée à soixante degrés, afin qu’elle pénètre de quelques lignes dans le tissu spongieux de la pierre. Si l’enduit est trop chauffé, ou s’il est trop sec, le pinceau ne saurait y rien produire. On l’étend donc journellement, une heure environ avant le travail de l’artiste ; l’enduit, tiède alors, absorbe la couleur, l’étreint, la serre, et le peintre ne peut plus retoucher son travail. Il faut que sa pensée soit tout arrêtée, que ses tons soient complets, et que sa main soit infaillible au moment où il commence son ouvrage. Il y a plus : c’est que les tons changent comme s’ils subissaient une cuisson, et le peintre doit avoir prévu et calculé d’avance toutes les chances de cette altération. La fresque ne se fait guère que sur des proportions gigantesques ; les figures et les corps doivent être dessinés sur une échelle six ou sept fois plus grande que nature, et la distance d’où la fresque est vue par le spectateur affaiblit encore l’effet des couleurs, déjà ternies et assombries par le refroidissement de la cire. Telles sont les difficultés que M. Delaroche se préparait à vaincre quand il partit pour l’Italie. Il lui fallait encore oublier son goût pour les détails, apprendre à moins finir sa peinture, et empreindre sa pensée des inspirations religieuses sans lesquelles on ne fera jamais un bon tableau d’église.

Tandis que M. Delaroche apprenait et désapprenait péniblement toutes ces choses, un jeune peintre qui avait étudié toutes les fresques des