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LETTRES D’UN VOYAGEUR.

face radieuse, comme un diamant, au front du plus haut des arbres du jardin ; je suis sauvé. Cette étoile est plus belle que tous les souvenirs de ma vie, et la partie éthérée de mon ame s’élance vers elle et se détache de la terre et de moi-même. Ami, est-ce là ton astre, ou le mien ? Lui parles-tu maintenant ? Je reviens à l’histoire de mon Malgache, c’est-à-dire, j’y reviendrai demain ; je suis las et je vais dormir de ce bon et calme sommeil d’enfant que j’ai retrouvé au bercail, comme un ange attaché à la garde de mon chevet ; je t’envoie une fleur de mon jardin. Bonsoir, et la paix des anges soit avec toi, confesseur de Dieu et de la vérité !

23 avril.

Je reviens à l’histoire de mon Malgache… Mais je m’aperçois qu’elle est finie, car je ne fais pas entrer en ligne de compte, dans les faits de sa vie, une amourette qui faillit le rendre très malheureux, et qui, dieu merci, se borna à un épisode sentimental et platonique. Toutefois, voici l’épisode.

Une femme de nos environs, à laquelle il envoyait de temps en temps un bouquet, un papillon ou une coquille, lui inspira une franche amitié à laquelle elle répondit franchement. Mais la manie de jouer sur les mots fit qu’il donna le nom d’amour à ce qui n’était qu’affection fraternelle. La dame, qui était notre amie commune, ne se fâcha ni ne s’enorgueillit de l’hyperbole. C’était alors une personne calme et affectueuse, aimant un peu ailleurs et ne le lui cachant pas. Elle continua de philosopher avec lui, et de recevoir ses papillons, ses bouquets, et ses poulets dans lesquels il glissait toujours par-ci par-là un peu de madrigal. La découverte de l’un de ces poulets amena entre le Malgache et une autre personne qui avait des droits plus légitimes sur lui des orages assez violens, au milieu desquels la fantaisie lui prit de quitter le pays et d’aller se faire frère morave : le voilà donc encore une fois en route, à pied, avec sa boîte de ferblanc, sa pipe et sa loupe ; un peu amoureux, assez malheureux, à cause des chagrins qu’il avait causés, mais se sauvant de tout par le calembour, qu’il semait comme une pluie de fleurs sur le sentier