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à Somerset-House, et vous invoquerez le souvenir du Louvre comme une consolation ; vous relèverez fièrement la tête, vous songerez aux fruits de votre verger, et vous direz : C’est mieux chez nous.

À l’heure qu’il est, la France n’a pas un homme comme Goëthe ou Byron ; mais, dans la peinture et la statuaire, elle tient dignement sa place entre l’Allemagne et l’Angleterre. Aujourd’hui l’école allemande est à Rome, personnifiée dans Cornelius et Overbeck. L’abondance ingénieuse et la gravité savante de ces deux artistes ont obtenu en Europe la popularité qu’elles méritaient ; mais le plus grand des deux, Overbeck, n’est pas inventeur. Comme l’illustre auteur de l’Apothéose d’Homère, il remonte jusqu’à Raphaël, souvent jusqu’au Pérugin ; à moins que les Arts placés sous la protection de la Vierge, encore inachevés, ne viennent révéler dans Overbeck une manière nouvelle et inattendue, sa gloire n’ira pas au-delà de l’identification : il continuera le xvie siècle, il n’aura pas de place marquée dans l’histoire de son temps.

La France est plus heureuse. Delacroix et Decamps n’ont rien à envier à Wilkie ou à Landseer ; s’ils n’ont pas atteint, dans l’exécution, à la simplicité des deux artistes anglais, ils rachètent ce défaut apparent par la variété de leurs tentatives. Leur pensée ne s’arrête pas, et nous pouvons tout espérer d’eux.

Dans le portrait, Champmartin domine de bien haut le savoir pénible de Pickersgill.

Dans le paysage, Paul Huet, Cabat, Godefroy Jadin, Marilhat et J. Dupré peuvent regarder sans humiliation Turner, Stanfield et Copley Fielding. Huet, dans la dernière exposition de Paris, s’est montré supérieur à Turner de tout l’intervalle qui sépare l’imagination poétique de la fantaisie puérile. Turner, quoi qu’il fasse, soit qu’il continue les débauches désordonnées de son pinceau, soit qu’il essaie de se renfermer dans une sobriété laborieuse, ne composera jamais rien comme une Soirée d’automne.

Enfin, dans la statuaire, au seul Chantrey, la France oppose David et Pradier, Barye et Antonin Moine ; la comparaison est plus qu’une victoire. Les bustes de Bentham et de Chateaubriand ont une autre beauté que la tête de Watt. Personne, dans la Grande-Bretagne, ne continue l’art antique aussi ingénieusement que