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temps de l’existence de la comédie, de la comédie écrite, solennelle, exhaussée sur le brodequin et récitée sous le masque. Je dois seulement ajouter à ces autorités une observation remarquable de Donat, qui commentait Térence au ive siècle. Cet écrivain nous avertit que, de son temps, les rôles de femmes, joués autrefois par des acteurs masqués, étaient remplis par des femmes[1]. Cela dénote une modification importante dans la mise en scène ; et de plus prouve que l’on jouait encore, à cette époque, les comédies de Térence ou, tout au moins, des comédies composées dans le même système.

Au reste, nous avons pour prouver l’existence de la haute comédie, de la comédie écrite et littéraire au ive siècle, quelque chose de plus concluant que des inductions ; nous possédons des monumens. Je puis vous présenter deux comédies entières du ive siècle, deux comédies dont une au moins, de beaucoup la plus longue et la plus belle, a été incontestablement représentée. Ces deux monumens sont : 1o  le Jeu des sept sages, Ludus septem sapientium, petite comédie composée par Ausone dans le genre de celles que nous appelons à tiroir ; 2o  une grande et belle comédie intitulée Querolus.

Je ne dirai rien ici de la première ; j’ai donné et je répéterai ailleurs les motifs qui me font croire qu’elle a été représentée sur un théâtre public, bien qu’elle ne consiste qu’en une suite de monologues sans action, sans nœud, sans dénouement, peut-être destinés à être récités l’un après l’autre par un seul acteur. Je passe à l’examen du Querolus. J’ai hâte de vous faire assister à la représentation d’une grande et vraie comédie du ive siècle.

J’ajourne, par ce motif, toutes observations préliminaires sur cet ouvrage ; j’exposerai en détail dans un autre lieu les singulières méprises de l’érudition qui a d’abord attribué cette comédie à Plaute, puis à Guildas, moine du ive siècle, puis à Vital de Blois, écrivain du xiie siècle. J’ajourne également toute discussion sur la date, fixée d’ailleurs d’une manière précise, aux premières années du

  1. Voici ses paroles : « Vide non minimas partes in hac comœdia Mysidi attribui, hoc est, personæ fæmineæ : sive hæc personatis viris agitur, ut apud veteres, sive per mulierem, ut nunc videmus. » (Andria, act. iv, sc. iii.)