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LA COMÉDIE AU IVe SIÈCLE.

non interrompue pendant ces trois siècles de la comédie et même de la tragédie dépouillée, il est vrai, de ses anciens chœurs, mais encore environnée de son appareil imposant et colossal.

Aujourd’hui, je me propose non-seulement de montrer ce que furent la comédie et la tragédie au ive siècle, mais d’étudier le développement complet du génie dramatique païen, depuis Constantin jusqu’aux successeurs de Théodose.

i.

On éprouvera peut-être quelque surprise à m’entendre employer cette expression quelque peu emphatique, « le développement du génie dramatique païen, » dans un siècle où les idées opposées, où les idées chrétiennes, atteignirent, en tous sens, un si complet, un si admirable développement : on s’étonnera que, dans ce siècle où un art nouveau sortait des catacombes, transformait et embellissait les basiliques ; où la beauté et la nouveauté des légendes bibliques et évangéliques appelaient et retenaient la foule dans les temples ; où la vie cénobitique créait une poésie nouvelle, la poésie de la solitude et des cloîtres ; où les voûtes des jeunes cathédrales retentissaient de la parole des Grégoire, des Basile, des Ambroise, des Chrysostôme, il soit resté quelque place pour le développement d’un autre art que celui qui envahissait le monde à la voix du christianisme. Il est très vrai, cependant, qu’à côté de l’art chrétien il y eut place encore pour un art rival. En face de l’idée jeune, de l’idée nouvelle, de l’idée conquérante, il y eut l’idée ancienne, l’idée dépassée, l’idée sur la défensive. Ce fut un curieux et beau spectacle que cette lutte, cet antagonisme, ce combat bien qu’inégal de deux idées se disputant, pendant trois siècles, la direction du genre humain. Le polythéisme, vaincu au iie et iiie siècles, par l’éloquence des Pères de l’église et surtout par l’héroïsme des confesseurs, fit, pendant le ive siècle, un effort désespéré pour ressaisir la puissance, et conserver au moins par les arts son empire sur l’imagination, cette partie la plus légère et la plus frivole de notre nature.