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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.
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31 mai 1835.


Le procès-monstre n’est pas fini ; à peine est-il commencé, et déjà l’on ne parle plus du procès-monstre. Il est noyé sous une autre question plus importante. Le ministère lui-même a senti le besoin d’un nouvel embarras, car le ministère vit d’embarras, de complications ; la vue du pays tranquille l’épouvante : il a besoin de trouble, de rumeur et de bruit ; il ne trouve de sécurité que dans l’effroi général, de douceur et de repos que dans la guerre civile et dans l’émeute ; il n’a qu’une crainte, une seule, c’est que la France vive et dorme en paix : ce jour-là il serait inutile.

Voyez comme les choses passent vite et comme les évènemens s’accomplissent avec promptitude dans le temps où nous vivons ! Ce procès, ce grand procès, élaboré avec tant de peine, mûri à si grands frais, ce procès sur lequel on avait accumulé tout ce qu’on avait trouvé de niaises terreurs disponibles en France, ce procès n’a pas suffi quinze jours à l’existence de ce ministère, terrible consommateur d’événemens, il est vrai, et qui dévore ce règne avec une gloutonnerie effrayante. Il y a quinze jours, l’existence du ministère était attachée au procès, et quand la chambre des pairs s’est piteusement soumise à la torture morale que le ministère lui inflige, quand la chambre des députés s’est plus piteusement encore mise à genoux devant la barre des pairs ; quand toute la France a été bouleversée ; quand toutes les passions ont été mises en jeu pour satisfaire aux exigences des ministres, les voilà qui tournent lestement le dos aux deux chambres, aux magistrats, aux fonctionnaires, et à tous ceux qu’ils ont compromis. Il s’agit maintenant d’autre chose : le ministère ne demande plus cent quarante condamnations, il n’en a que faire, elles l’embarrassent ; ce qu’il veut à présent, c’est un mouvement militaire, un embarras et une complication vers les Pyrénées. Il trouve le terrain encore trop net et trop uni. Il faut dégoûter les aspirans au pouvoir, et rendre les approches du cabinet encore plus difficiles. On a jugé qu’une intervention armée en Espagne était un merveilleux expédient, et vous verrez que dans deux jours, le ministère nous posera l’alternative de cette intervention ou de sa retraite. M. de Villèle était moins cruel quand il nous proposait la guerre sur le Rhin ou aux Pyrénées.

Ce n’est pas qu’on soit tout-à-fait d’accord sur cette question dans le monde ministériel, mais dans peu de jours l’intervention prévaudra. Déjà le Journal des Débats, cet avant-coureur des volontés du pouvoir, a pris les devans, et demain les autres journaux du ministère doivent don-