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REVUE DES DEUX MONDES.

L’Allemagne est assise au milieu de l’Europe ; elle a pour elle l’antiquité des souvenirs, la force dans le présent, et un avenir obscur dont les ténèbres se dissiperont à la lumière d’une gloire inconnue. La Prusse lui prête la puissance acérée de l’épée, l’Autriche les traditions de l’empire des Césars, la Saxe la foi vivante de la réforme, la Bavière la poésie d’un catholicisme presque italien. Nouvelle avec la monarchie de Frédéric, antique par les successeurs de la maison de Hapsbourg, protestante avec Luther, catholique avec Munich et le Tyrol, l’Allemagne a tous les aspects. De jeunes monarchies constitutionnelles s’efforcent de se développer dans son sein ; les duchés et les principautés travaillent à retenir leur importance individuelle ; quatre villes, reste de l’ancienne Hanse, et qu’on appelle encore libres, représentent, comme dans la Grèce antique, l’opulence indépendante du travail et du commerce : cependant l’Autriche cherche à retenir la nation sur le penchant du siècle ; la Prusse, se trompant de mission et de devoir, veut, de son côté, enfermer la liberté dans le cercle de la métaphysique et de la religion. C’est avec ces forces et ces dispositions entre le passé et l’avenir, entre la Russie et la France, entre le Rhin et l’Oder, que l’Allemagne féodale et métaphysique, morcelée et vivante, idéaliste, rêveuse, jeune, pleine d’espoir et de vigueur, cherche la loi de ses destinées et de sa grandeur.


Lerminier.