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AU-DELÀ DU RHIN.

à qui un jour le prix du combat ? On peut dire de la rive du Rhin comme de la succession d’Alexandre : Au plus digne.

La grandeur de la Prusse, s’accomplissant dans ses voies naturelles, ne saurait répugner à la France. Si les stipulations du congrès de Vienne n’eussent point amené la Prusse sur les bords du Rhin, nous n’aurions pas géographiquement de raison pour la combattre. Puisque la monarchie prussienne aspire à s’élever de plus en plus comme la tête du corps germanique, elle doit chercher à s’enraciner au milieu de l’Europe, et non pas à se prolonger dans des extrémités qu’elle ne pourrait pas toujours défendre. Elle doit représenter la race allemande entre la race slave et la race romano-celte.

La vraie politique consiste dans l’obéissance à la nature des choses. Les petits états sont les satellites nécessaires des grands empires. La Saxe incline à la domination prussienne inévitablement, et Dresde un jour doit obéir à Berlin. La même cause entraînera le Hanovre.

La même cause doit, dans l’avenir, investir la France de la Belgique, et Bruxelles doit dépendre de Paris, comme Dresde de Berlin. La Belgique est une province fertile, connaissant les prospérités de la vie civile et matérielle, mais ne pouvant obtenir seule l’efficacité de la vie politique. Elle a besoin de tenir à un autre corps ; la Hollande ne lui convient pas : lier ensemble Bruxelles et Amsterdam, c’est en vérité attacher un quadrupède à un poisson. Mais la France offre naturellement son protectorat à un pays qui parle sa langue et se nourrit de sa littérature.

Le lion de Waterloo n’est point un obstacle éternel à ce que la France attire la Belgique ; on peut le renverser. Waterloo a été l’épilogue pathétique d’une lutte de vingt années où tour à tour la France a défendu et sacrifié la liberté, où elle a secouru et opprimé l’indépendance des peuples, où les principes de droit et de justice finirent par se confondre et se déplacer violemment. Si de nouvelles guerres s’entamaient, la cause en serait claire à tous, et jamais les hommes ne se seraient battus avec plus de réflexion. Quant à la fortune, puisqu’elle a souvent protégé les folies de notre gloire, pourquoi refuserait-elle ses faveurs à l’excellence de notre droit ?