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AU-DELÀ DU RHIN.

presque jusqu’aux portes de Metz : cette position la fait incliner à l’amitié de la Russie, elle ne s’aperçoit pas que Saint-Pétersbourg est plus menaçant pour Berlin que Paris. Cependant elle n’a pris sur rien encore un parti irrévocable ; mais cette démocratie militaire ne saurait vivre long-temps sans une direction décidée et sans un grand homme.

Les bords du Rhin semblent devoir être entre la Prusse et la France un débat éternel. Le Rhin fait l’orgueil de l’Allemagne, et sur l’une et sur l’autre rive, l’histoire et la civilisation germanique ont semé d’elles-mêmes de vivans témoignages.

Nous sommes médiocrement touchés de la théorie des limites naturelles tracées par les fleuves et les montagnes : les configurations du sol et du climat peuvent être un indice de la vérité politique, mais ne la font pas. Sans nier que la nature semble inviter l’empire de France à se prolonger jusqu’à la rive gauche du Rhin, nous aimons mieux chercher dans l’intérêt et l’esprit des peuples la raison de ce qui doit être.

Il faut avouer que les villes rhénanes portent sur le front l’empreinte du génie germanique. Ainsi Cologne, cette colonie romaine, attestant son origine par un magnifique débris de temple antique dont elle a fait un hôtel-de-ville, jetait au moyen-âge le double éclat de la religion et du commerce ; elle contenait cent cinquante mille habitans et deux cents églises ; commerciale et catholique, elle était la plus illustre cité de l’Allemagne et méritait ce dicton : Qui n’a pas vu Cologne, ne connaît pas la Germanie ; qui non vidit Coloniam, non vidit Germaniam. Aix-la-Chapelle retient encore dans ses souvenirs tout l’orgueil de l’empire ; elle offre à l’adoration du monde le tombeau du grand Karl, Carolo magna, et dans sa fierté semble tenir pour indifférent d’appartenir aujourd’hui à la patrie de Napoléon ou à celle de Frédéric.

Mais si les traditions du passé sont germaniques, l’esprit nouveau des provinces rhénanes ne reste pas immobile sous leur charme. Voici la situation : le Rhin n’est pas enfermé dans un empire ; mais il sépare deux nations. Les bords du Rhin ne peuvent s’appartenir à eux-mêmes ; les provinces de la rive gauche, nous ne voulons point parler ici de la rive droite, doivent être de grandes municipalités fleurissant sous le protectorat d’un grand état. Quel