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de la carrière politique ; mais à Stuttgard, à Carlsruhe, l’opposant et le ministériel se croisent à toute heure. Voilà un de nos jacobins, me disait, en me conduisant dans les rues de Stuttgard, un honnête banquier ; j’appris le soir que ce jacobin était, de tous les députés de l’opposition, l’homme le plus accommodant et le plus doux.

Le pays de Wurtemberg est parsemé de petites villes qui prospèrent par le travail, et de beaux villages d’une propreté resplendissante. À Esslingen, qu’environne une ceinture de vignobles et de forêts, la mention qu’en fait de Thou dans ses Mémoires me revint en la pensée… « Pour venir à Esslingen, de Thou passa sur le Necker un pont de communication avec Stuttgard. Esslingen est un lieu renommé par la fabrique de l’artillerie, et par l’abondance de ses vins. Dans les celliers de l’hôpital on en conserve une grande quantité dans des tonneaux d’une grandeur extraordinaire ; le plus grand est placé le premier, et les autres dans une longue suite, diminuant à proportion : le vin s’y garde très long-temps. On en but à la santé de M. de Thou, du numéro 40, d’un vin qu’on disait être de quarante années. Les princes d’Allemagne le prennent par remède, et, à mesure qu’on en tire du plus grand tonneau, on en remet du tonneau voisin, mais qui est plus nouveau. » C’était en 1579 que Jacques Auguste de Thou parcourait une partie de l’Allemagne méridionale ; il avait salué le duc Louis à Stuttgard avant d’arriver à Esslingen, puis il vit Ulm, Augsbourg, Lindaw, Constance, suivit le Rhin jusqu’à Baden, et par Colmar revint à Plombières, où l’attendait sa famille. Au xvie siècle, comme dans le nôtre, on jetait de rapides voyages au milieu des agitations de la jeunesse et de la vie.

Stuttgard, comme assemblage de monumens et de maisons, est une pauvre capitale ; c’est un grand village dégingandé où l’on est surpris de trouver une rue à proportions royales, un beau château et l’atelier du grand et vieux sculpteur Dancker, qui a fait vivre par le marbre Schiller, Ariane et Jésus-Christ. Mais l’animation et la vie, un peu absentes de la capitale, se retrouvent entières dans l’esprit et dans l’ame des Wurtembergeois. Ces Souabes, dont on raille aujourd’hui le ton brusque et le dialecte un peu grossier, se rappellent avec orgueil le rôle de leurs ancêtres dans l’histoire de la