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VOYAGE DANS LES RÉGIONS ARCTIQUES.

avions tirés les jours précédens pour faire des expériences sur le son, avaient, à ce que nous apprîmes, provoqué ce repentir et cette restitution. Un des naturels qui avait accompagné le commandant Ross à l’observatoire, lui ayant demandé « ce que les canons disaient, » celui-ci lui répondit qu’ils nommaient tous les voleurs qui nous avaient dérobé quelque chose ; sur quoi il y avait eu au village un conseil général dans lequel il avait été résolu que tous les objets en question nous seraient restitués. Nous regrettâmes de ne pas avoir à notre disposition des moyens de conjuration semblables contre les voleurs infiniment moins excusables de notre chère patrie ; mais, entre autres avantages, « le progrès des lumières » a privé les bons de moyens analogues contre les méchans de ce monde. »

Les mois de février et de mars se passèrent sans autres incidens que les rapports journaliers avec les naturels. Ceux-ci, suivant leur usage au retour du printemps, s’étaient divisés en plusieurs troupes et avaient quitté leur ancien village pour s’établir de côté et d’autre, dans les endroits les plus propices pour la pêche des phoques. Ces nouveaux établissemens étaient tous, comme le premier, à peu de distance du navire. Le capitaine Ross raconte ainsi la formation de l’un d’eux dont il fut témoin.

« 31 mars. — Dans la soirée, quatre familles de naturels, composées de quinze individus, passèrent près du navire, se rendant à environ un demi-mille plus au sud pour y construire de nouvelles huttes. Ils avaient quatre traîneaux lourdement chargés, attelés chacun de deux ou trois chiens, et voyageaient lentement. Nous les suivîmes, curieux que nous étions de voir bâtir leurs maisons de neige. Nous fûmes surpris de leur dextérité ; un d’eux eut terminé la sienne dans l’espace de quarante-cinq minutes. Il faut moins de temps dans ce pays pour élever une maison que chez nous pour dresser une tente. Cette espèce d’architecture vaut peut-être la peine d’être décrite. Après s’être assuré, au moyen du bâton qui leur sert à sonder les ouvertures dans lesquelles ils font la pêche des phoques, que la neige a une épaisseur et une solidité suffisante, ils nivellent l’endroit qu’ils ont choisi avec une pelle de bois, en laissant sur le sol une masse compacte de neige d’au moins trois pieds d’épaisseur. Se plaçant alors au centre du cercle qu’ils ont tracé, et qui a dix pieds ou plus de diamètre, ils coupent des blocs en forme de coins d’environ deux pieds de long sur un pied de large à la base ; puis, après avoir façonné proprement ces blocs avec leurs couteaux, ils commencent leur construction en les inclinant graduellemement vers l’intérieur, de manière à former un dôme parfait. ; La porte, qu’ils découpent sur l’un des côtés avant que le dôme, ne soit complètement fermé, leur fournit les matériaux néces-