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« Trois autres individus de la troupe furent ensuite traités comme l’avaient été les trois premiers. Pendant que ceux-ci amusaient leurs compagnons par le récit de ce qu’ils avaient vu, l’un d’eux disputa un instant le prix de la course à un de nos officiers ; mais il y eut tant de politesse des deux côtés, que ni l’un ni l’autre ne fut vainqueur. Le violon s’étant alors fait entendre, ils se mirent à danser avec les matelots, et firent ainsi preuve d’un goût plus vif pour la danse que nous ne pouvions nous y attendre d’après les observations de nos prédécesseurs parmi les autres tribus.

« Le moment de la séparation étant venu, nous leur proposâmes de les accompagner pendant une partie du chemin qu’ils avaient à faire pour gagner leurs huttes, dont ils indiquaient la direction, en nous faisant entendre que leurs femmes, leurs enfans, leurs chiens et leurs traîneaux étaient restés dans le village, et qu’ils avaient des provisions en abondance. Sur la route, nous aperçûmes un trou à phoques[1], et ils nous montrèrent la manière de se servir de la lance pour élargir ces trous, y introduire une nasse, et atteindre l’animal. Mais nous ne pûmes, malgré nos demandes réitérées, apprendre d’eux le fait qui nous intéressait le plus, à savoir dans quelle direction la mer se trouvait dégagée de glaces. Ils nous indiquaient bien le nord, mais ne pouvant les faire expliquer sur ce qui se trouvait à l’ouest et au sud, nous remîmes nos questions à un autre jour. Après les avoir accompagnés pendant deux milles, nous fîmes une marque sur la glace en leur indiquant que le lieu du rendez-vous était fixé là pour le jour suivant, et que nous visiterions leurs huttes, proposition qui fut reçue avec le plus grand plaisir. Nous les quittâmes alors avec le même cérémonial qu’au premier moment de notre entrevue.

« Cette journée était des plus satisfaisantes, car nous avions renoncé à tout espoir de rencontrer des habitans dans ce lieu, et nous savions que c’était des naturels que nous devions attendre les renseignemens géogra-

  1. Les Esquimaux mettent à profit la nécessité où sont les phoques de venir souvent respirer à la surface de l’eau. Ils font dans la glace, à peu de distance les uns des autres, plusieurs trous d’environ deux ou trois pieds de diamètre, et y introduisent un filet qu’ils poussent le plus avant qu’ils peuvent au moyen d’un long bâton. Le phoque pris en ce filet s’y embarrasse d’autant plus, qu’il fait des efforts violens pour en sortir, et finit par se noyer. Les Esquimaux visitent de temps en temps ces trous, pour voir si quelque phoque n’est pas tombé dans le piège. Quelquefois ils se contentent de guetter ces animaux, en se tenant patiemment des journées entières sur le bord des trous, et lorsqu’il s’en présente un, ils le tuent à coups de lance.