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bottes, toutes deux avec le poil en dedans, et par-dessus des caleçons de peaux de daim descendant très bas sur les jambes ; quelques-uns portaient en outre des espèces de chaussons par-dessus leurs bottes ; d’autres avaient remplacé la peau de daim par celle de phoque.

« Ainsi recouverts d’une énorme quantité de vêtemens, ces naturels paraissaient beaucoup plus volumineux qu’ils ne l’étaient en réalité. Tous étaient armés de lances ressemblant assez à une canne ordinaire, et munies, d’un côté, d’une boule de bois ou d’ivoire, et de l’autre d’une pointe en corne. En les examinant de près, néanmoins, nous trouvâmes qu’elles étaient, non d’une seule pièce, mais formées de petits fragmens de bois ou d’os d’animaux artistement ajustés. Les premiers couteaux que nous vîmes étaient faits d’os ou de corne de rennes et constituaient une arme peu redoutable ; mais nous découvrîmes bientôt que chaque individu en portait, suspendu par derrière, un autre beaucoup plus à craindre, et dont la pointe et quelquefois le tranchant étaient en fer. Nous en remarquâmes un, entre autres, qui avait été fait avec la lame d’un couteau anglais, portant encore la marque du fabricant, et qui avait été converti en une sorte de poignard.

« Ceci prouvait que cette tribu communiquait avec d’autres peuplades en rapport avec les Européens, si elle-même n’était pas dans ce cas. Le commandant Ross ne reconnut, il est vrai, parmi les individus présens, aucune de ses anciennes connaissances, et il était évident qu’ils ne le connaissaient pas davantage ; mais quand il leur cita divers endroits de Repulse-Bay[1], ils le comprirent aussitôt et indiquèrent par leurs gestes cette direction. Il put aussi deviner par leurs réponses qu’ils étaient venus du sud et avaient aperçu le navire la veille ; que leurs huttes étaient à quelque distance au nord, et enfin qu’ils en étaient partis le matin même.

« N’ayant pu prévoir cette visite, nous n’avions apporté aucun présent avec nous. J’envoyai, en conséquence, un de nos hommes au navire, pour y chercher trente-un morceaux de fer, afin que chaque individu eût le sien. Mais dans l’intervalle ils consentirent à nous accompagner à bord, et nous arrivâmes bientôt près de notre mur de neige. Ils ne témoignèrent aucune surprise en le voyant ; c’était en effet un ouvrage trop semblable à ceux qu’ils exécutaient journellement, pour qu’ils en fussent frappés. L’aspect du bâtiment et la quantité de fer qu’ils avaient

  1. Le commandant Ross accompagnait le capitaine Parry dans son second voyage pendant lequel eut lieu la découverte de la presqu’île Melville, voisine de Repulse-Bay.