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min de Tudèle s’est aussi enflé de beaucoup de traditions fabuleuses sur la Rome du moyen-âge.

Dans les Merveilles de Rome que Mabillon a publiées, il se rencontre, chose remarquable, peu de légendes chrétiennes : ce sont les antiquités profanes qui jouent le principal rôle : seulement elles sont présentées avec peu de méthode, et entremêlées d’anecdotes étranges. On croit, en lisant ce curieux petit livre, entendre quelques-uns de ces ciceroni populaires dont j’ai parlé, quelque moine d’une ignorance bien profonde et bien assurée, expliquer les antiquités romaines aux pélerins ébahis et encore plus ignorans que leur guide. Les noms sont appliqués, à tort et à travers aux lieux et aux monumens ; tantôt l’Aventin est pris pour le Quirinal et tantôt pour le Janicule ; les thermes de Caracalla s’appellent le cirque de Vespasien et de Titus, par une confusion évidente avec le Colysée ; le théâtre de Marcellus est devenu le théâtre d’Antonin : mais ce qui est plus curieux, ce sont les légendes qu’on raconte à propos de divers édifices dont on indique l’emplacement ou les ruines.

Quelquefois on cherchait à rattacher les monumens païens ou leur souvenir à l’avènement du christianisme ; ainsi on disait que Romulus avait placé dans son temple sa propre statue en or, et qu’il avait dit : Cette statue tombera quand une vierge aura enfanté. À la naissance du Christ, la statue était tombée. Ici on reconnaît cette opinion qui, depuis les premiers siècles de l’église jusqu’au seizième, n’a pas cessé d’être celle de l’église : à savoir, que l’antiquité païenne avait pressenti et prédit le rédempteur du Monde. De là, les sibylles citées à côté des prophètes dans les écrivains ecclésiastiques, dans Lactance, par exemple ; de là le fameux vers de l’hymne des morts,

Teste David cum sybillâ.


et Michel-Ange peignant alternativement un prophète et une sibylle au plafond de la chapelle Sixtine. Ou bien on cherchait à donner aux débris antiques une interprétation chrétienne. Ainsi fit-on pour les deux colosses et les deux chevaux de la place du Quirinal, à laquelle ils donnent leur nom (Monte Cavallo) Ces colos-