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et brillans combats, il les dégoûtait de la guerre, et en même temps, par la fermeté de sa contenance et de sa volonté, il soutenait nos troupes au milieu des privations, des épidémies et des rudes labeurs qui les minaient de toutes parts. Toujours travaillant, veillant ou combattant, à travers les périls, les souffrances physiques et d’indicibles ennuis moraux, avec une surabondance merveilleuse de courage et d’efforts, il mûrissait, par les sueurs et le sang, ce résultat si difficile de la paix, mais d’une paix fière et durable.

Il ne devait pas cueillir ce fruit. Le comte d’Erlon, gouverneur-général de nos possessions, avait donné des missions secrètes, qu’il avait niées officiellement, à un intrigant arabe et à un jeune homme de vingt-cinq ans, commissaire du roi à Bougie ; ceux-ci s’apprêtaient dans l’ombre à s’emparer frauduleusement de l’œuvre si péniblement et si habilement élaborée par le colonel Duvivier. Ils étaient entrés en relation avec un scheïk du pays, nommé Ouled-Reïba, et avaient obtenu de lui cette déclaration : qu’il ne voulait pas traiter avec le commandant supérieur de Bougie. Un jour les deux ambassadeurs improvisés montèrent dans une chaloupe, sur laquelle ils déployèrent fièrement le drapeau tricolore, et allèrent de l’autre côté de la rade s’aboucher avec le scheik. Pour cette infraction aux lois militaires, qui dans une place en état de siége défendent, sous peine de mort, toute communication avec l’ennemi, le commissaire du roi fut arrêté ; mais il fut relâché après quelques heures de captivité. Deux ou trois jours après, il partit pour Alger et il en revint bientôt, rapportant cette fois des lettres officielles. Le gouverneur avouait enfin les pouvoirs qu’il avait antérieurement donnés en cachette au commissaire du roi et à l’entremetteur arabe. En même temps il envoyait, pour renouer les négociations entamées avec Ouled-Reïba, M. le colonel du génie Lemercier, afin de satisfaire le caprice de l’Arabe, et de ne pas contrarier l’antipathie qu’il manifestait contre le colonel Duvivier. Voyant la complaisance des Français, le scheïk en profita pour exiger que leurs plénipotentiaires vinssent seuls et sans troupes le trouver sur son terrain, où il les attendait à la tête de ses cavaliers. Il fut fait selon son désir. Alors sûr de la soumission aveugle des Français à ses ordres, il annonça que non-seulement il ne voulait pas traiter directement avec le colonel Duvivier, mais que même il ne traiterait jamais avec les Français, tant que le colonel Duvivier serait commandant supérieur à Bougie. En vain le colonel Lemercier hasarda quelques timides controverses en faveur du condamné ; en vain il pria que la sentence fût révoquée, si c’était possible ; en vain il demanda grace pour le colonel Duvivier ; le scheik fut inexorable. Après avoir fièrement enfermé le représentant du gouvernement français dans