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calmer. On dirait que le feu a pris tout à coup à la pairie. Qui sait jusqu’où la passion va maintenant l’entraîner ?

Nous n’avons pas besoin de rapporter les détails de ce procès, ils se trouvent partout ; nous ferons donc seulement remarquer par quelle gradation rapide, la procédure est arrivée au désordre et à l’état de violence où elle se trouve. La pairie était traînée malgré elle à ce procès ; M. Pasquier, cédant à une nécessité politique qui le dominait, se voyait forcé de présider les étranges débats qui se préparaient ; les nobles magistrats voulurent au moins juger à leur aise, et s’arrangèrent pour ne pas renoncer trop complètement à leur vie douce et molle. Les accusés avaient choisi pour leurs conseils et leurs avocats, des hommes énergiques comme eux, peu accoutumés aux ménagemens du barreau, disposés à faire entendre de rudes vérités aux juges. M. Pasquier commença par se débarrasser des défenseurs, au moyen d’un bon arrêt discrétionnaire, rendu uniquement par sollicitude pour cette bonne chambre qu’il affectionne et qu’il mène presque à son gré. Le motif du premier arrêt de M. Pasquier n’est pas plus large et plus élevé que nous le disons ; entre lui et M. Decazes, c’est à qui rembourrera le plus doucement le siège de la pairie, et le rendra plus commode. Malheureusement, les touchantes précautions de M. Pasquier ont déjà produit des effets bien amers.

On a vu avec quelle âcreté s’est poursuivi ce premier débat, et quelles coërcitions successives il a fallu exercer contre les avocats, les conseils de discipline, les accusés rebelles, les défenseurs qui les ont appuyés par une protestation, contre la presse qui défend leurs droits, contre la garde nationale qui demande qu’on ne viole pas les siens ; peu s’en est fallu que les pairs absens n’eussent leur part de ces rigueurs, et ne fussent sommés de se rendre sur leurs siéges sous peine de déchéance. La vieille pairie a eu peine à se mettre en campagne ; mais maintenant elle a l’épée au poing, et elle paraît décidée à exterminer tout ce qui ne voudra pas se soumettre.

Explique qui pourra le rôle de M. Pasquier dans toute cette affaire. Les journaux lui font dire aux ministres qu’en poussant ce procès comme ils le font, ils creusent sa tombe et préparent son cercueil. Nous pouvons affirmer à ceux qui font tenir ce langage à M. le président de la chambre des pairs, que M. Pasquier est l’homme de France qui songe le moins à sa tombe et à son cercueil, et qui a le moins envie d’y entrer. M. le baron Pasquier est un jeune barbon plein de vigueur, qui serait parfaitement en état de lutter avec le ministère, s’il en avait la moindre envie, et dont l’esprit, sain et ferme, trouverait autant d’expédiens contre le procès qu’il en trouve contre les accusés, si cela lui semblait convenable.