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VOYAGE DANS LES RÉGIONS ARCTIQUES.

conclure des remarques générales qui furent faites à mon propre bord, et des expressions de ceux qui pensaient devoir plus particulièrement être consultés, que je m’étais avancé non-seulement assez loin, mais trop loin. Il est en outre vrai, et je dois le répéter ici, que, quand bien même l’opinion de mon second en commandement eût été, ainsi qu’on l’a supposé, contraire à la mienne, ce qui n’est pas, j’étais parfaitement justifié par mes instructions et les circonstances dans lesquelles se trouvait l’expédition, en agissant comme je l’ai fait. Les ordres étaient clairs et péremptoires ; la saison d’ailleurs était trop avancée pour pénétrer plus avant dans les glaces, et mon devoir le plus impérieux était de veiller au salut des navires et de leurs équipages.

« Personne ne conteste en même temps qu’à cette époque, tout l’espace à l’ouest des navires, était couvert de glaces, de sorte que nous n’eussions pu pénétrer que quelques milles plus loin si nous l’eussions essayé. Il n’est nullement probable, d’après l’aspect de ces terres éloignées que j’ai en ce moment sous les yeux, que mon jugement sur la nature de ce détroit eût été différent de celui qui me fit virer de bord, quand même je me serais approché plus près des limites de la glace. On sait combien l’apparence des terres est trompeuse dans ces régions, et si Cook lui-même a commis, dans plus d’une occasion, des erreurs à cet égard, cela suffit pour prouver que la difficulté de les juger est grande, pour ne pas dire insurmontable. Dans le fait, l’histoire de la navigation abonde en exemples d’erreurs semblables, et celui qui voudrait en prendre la peine, pourrait les rassembler par centaines ; celui-là n’a qu’une bien faible connaissance de ces sortes de matières qui ne se rappelle pas une foule de ces erreurs, sans même se donner la peine de consulter les livres.

« J’aurais pu dire cela depuis long-temps, et je l’eusse dit, si je m’étais vu appelé devant qui de droit pour défendre mes opinions et ma conduite. Convaincu de la justice de ma cause, j’ai suivi la marche la meilleure, quoique la plus difficile en pareil cas : je me suis tu ; et si je romps le silence maintenant pour revenir sur un fait déjà si loin de notre temps, c’est que l’aspect des lieux me rappelle vivement les dures épreuves dont ils ont été pour moi l’occasion, et me donne en même temps l’espoir que la tentative que je fais en ce moment sera accueillie, si jamais je reviens en Angleterre, d’une manière bien différente. »

Le Victory retardé par des calmes qui ne l’eussent pas arrêté, si sa machine eût pu lui servir, remonta lentement le détroit de Lancastre. Le 10 août, il se trouvait à l’entrée de la passe du Prince-Régent, et le 13 il jeta l’ancre au lieu même où le Fury s’était perdu quatre ans auparavant.

« Le bâtiment étant mouillé et parfaitement en sûreté à un quart de mille