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VOYAGE DANS LES RÉGIONS ARCTIQUES.

« 26 juillet. — Le calme parfait qui régnait aujourd’hui dimanche, dans la matinée, nous ôtant l’espoir de partir avant deux heures de l’après-midi, j’accompagnai le gouverneur à l’église. J’aurais été surpris du chant des femmes esquimaux, si je n’eusse connu depuis long-temps leurs talens naturels à cet égard, et l’extrême facilité avec laquelle elles apprennent à exécuter même la musique sacrée la plus difficile de l’école allemande. Depuis que les missionnaires moraves, au Labrador, ont reconnu les mêmes dispositions dans leurs néophytes, qui apprennent rapidement, non-seulement à chanter et à s’accompagner sur le violon, mais encore à fabriquer leurs instrumens, personne ne peut mettre en doute les facultés musicales de cette race d’hommes, quoique toutes les tribus ne les possèdent peut-être pas au même degré. On sait que ces dignes missionnaires n’ont pas traité cela comme un simple objet de curiosité ou d’amusement, mais que, dans leur expérience éclairée, ils en ont tiré un parti puissant pour l’instruction religieuse et la civilisation de ces peuplades, autant toutefois qu’il est permis d’espérer cette civilisation dans les circonstances où ces peuplades sont placées.

« La brise s’étant faite, il fallut partir sans délai ; nous ne pouvions perdre un seul jour ni même une seule heure, tant la saison était avancée, et tant il nous restait de route à faire avant d’atteindre le lieu, quel qu’il pût être, où nous nous verrions contraints d’hiverner ; nos bienveillans amis nous accompagnèrent à bord, et nous levâmes l’ancre, tandis que la ville nous adressait un nouveau salut que nous rendîmes aussitôt. Nos hôtes restèrent avec nous jusqu’à l’entrée de la passe, où nous nous séparâmes après de sincères adieux. »

L’expédition continua sa route sous les auspices les plus favorables, en se tenant en vue de la côte occidentale du Groenland. Le surlendemain de son départ d’Holsteinborg, par les 73° 55′ lat. N., elle aperçut pour la première fois quelques montagnes flottantes de glace, mais en petit nombre, et dans un état de dégradation annonçant une dissolution prochaine. Cette circonstance était d’autant plus remarquable, que, dans son troisième voyage, Parry avait été arrêté un instant dans ces mêmes parages, par une barrière de glaces. La mer était généralement belle, et la température parfois si douce, que les hommes de l’équipage restaient pieds nus et sans autres vêtemens que leur pantalon et leur chemise, comme ils eussent pu le faire sous les tropiques. Le 6 août, le Victory se trouvait à l’entrée du détroit de Lancastre. Ici, le capitaine Ross se livre à quelques réflexions qui sont de nature à faire connaître les dispositions de l’opinion publique en Angleterre à son égard ; cette sorte de justification de sa conduite antérieure étant la seule qui se trouve dans