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d’une chambre où tout se réduit à des proportions parlementaires, il n’y a pas d’autre distinction à faire, on est ou on n’est pas ministériel, c’est-à-dire qu’on défend le système que le gouvernement développe et applique, ou qu’on professe les théories de l’opposition. C’est ce qui rend si admirable l’aspect politique du parlement anglais, où tous votent par division, ce qui ne permet à aucune fraction mixte de la chambre de se tenir dans une ligne mitoyenne de conduite. Et qu’importent quelques lamentations sur l’humanité, quelques pleurs versés sur des ruines orientales, sur la création de villes-modèles ? Ces beaux et poétiques rêves, que deviennent-ils devant la réalité ? Voilà un ministère qui s’établit. Il résume son système dans le procès pendant devant la cour des pairs, c’est-à-dire en cette étrange procédure où tout est exceptionnel, juges, témoins, arrêts, exécution. Or, la fraction qui s’appelle parti social est-elle pour ou contre ce triste procès, base du cabinet ? Si elle est contre, qu’elle se dessine donc, qu’elle vienne à la tribune protester. L’esclavage des nègres est fort intéressant ; mais l’esclavage de ces malheureux jeunes hommes qui gémissent au Luxembourg n’appelle-t-il pas également quelques larmes ? C’est chose fâcheuse à dire : il y a trois hommes, et nous les jugeons ici parlementairement, trois hommes en qui le pays avait placé de généreuses espérances, et qui ne les ont pas réalisées. Le premier est M. Sauzet ; il arrivait à la chambre avec une belle réputation de courage et de talens oratoires : qu’a-t-il fait de cet instrument tant vanté ? quelle influence a-t-il conquise ? quelle position a-t-il gagnée ? On l’improvise ministre des sept jours ; il accourt tout haletant pour saisir le pouvoir, et le pouvoir lui échappe au moment même de son arrivée. On l’annonce comme grand orateur : il paraît à la tribune ; mais ce n’est pas l’éloquence claire, positive du parlement. Sa phrase est vide et sonore. M. Sauzet ne sait pas assez les affaires. Il y a en lui de l’avocat et du rhéteur tout à la fois, de l’avocat sans la science et l’érudition piquante de M. Dupin, du rhéteur sans la phrase élégante et achevée de M. Villemain. Je crois la carrière de M. Sauzet finie pour un ministère. Voudrait-il aussi la perdre pour l’opposition ?

M. Janvier avait brillamment débuté avec les mêmes défauts et le même mérite que M. Sauzet ; son premier discours lui fit concevoir de lui-même une opinion un peu haute, et il s’empara de la tribune. Une seconde épreuve, mais malheureuse, le jeta dans le découragement. Il y avait exagération dans l’opinion brillante qu’il s’était faite de son talent, il y eut également exagération dans le sentiment qu’il éprouva de sa faiblesse. M. Janvier fréquentait certains salons de pairie ; des hommes habiles s’emparèrent de lui, lui firent croire que sa carrière était perdue, s’il ne se