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SESSION PARLEMENTAIRE.

dissolution du cabinet, et nous avons aussi raconté les particularités de cette nouvelle crise ministérielle.

Quelle fut ici la position de la chambre ? quel rôle jouèrent les différens partis dans le mouvement ministériel qui pouvait porter les uns ou les autres aux affaires ? La place étant vacante, naturellement toutes les ambitions s’ameutèrent pour remplacer le ministère qui tombait ; il n’y avait de chances possibles que pour les chefs parlementaires qui restaient dans les conditions dynastiques ; ainsi la ligne ne pouvait s’étendre au-delà de MM. Odilon Barrot et Mauguin. On se rappelle que M. Molé et le duc de Dalmatie furent tour à tour chargés de la composition du cabinet ; la pensée de M. Molé était qu’il fallait chercher des combinaisons gouvernementales avec les élémens de la majorité telle qu’elle existait, en y adjoignant quelques hommes d’importance de la chambre, tels que MM. Bérenger, Passy, expression de principes flottans, sorte d’opinion Stanley dans le parlement. À l’aide de cet appui et d’une ordonnance d’amnistie, M. Molé croyait pouvoir reconstituer une puissante majorité favorable au système de résistance intelligente contre l’action exagérée des idées révolutionnaires. Le parti Dupin s’était trop complètement compromis dans les journées de novembre pour que M. Molé mît une grande importance à obtenir son appui. Cette combinaison échoua. Le duc de Dalmatie, qui voulait également faire son cabinet, procéda sur des bases plus larges. Personnellement odieux à la majorité ministérielle, aux doctrinaires surtout, il vit bien, en profond tacticien, qu’il fallait changer le front de bataille ; il fit des propositions à M. Dupin, s’entendit avec le tiers-parti, et fut au moment de former un ministère. Mais des obstacles d’intérieur imprévus l’empêchèrent d’arriver à un résultat définitif, et l’on a vu que sa mission, loin d’aboutir à une formation de cabinet, se résuma en un brocantage de tableaux.

Dans cette situation, il fut facile aux doctrinaires, noyau parfaitement uni, de reprendre la haute main dans les affaires ; ils entraînèrent M. Thiers ; et ainsi complètement séparés de tout élément étranger, ils laissèrent au maréchal Gérard la petite vanité des éloges de journaux, à M. Dupin les petits sarcasmes parlementaires, et s’établirent dans le cabinet avec la ferme volonté de s’y maintenir ou de tomber devant un vote de chambre. La position était nette, et c’est parce qu’elle était nette que les doctrinaires obtinrent gain de cause en face de ces nuances dont aucune n’avait d’opinions précises et de système arrêté d’administration publique. La majorité qui se dessina fut plus forte encore, plus énergique qu’elle ne l’avait jamais été ; c’est que l’unité était dans le ministère ; le tiers-parti était vaincu, le petit groupe Bérenger et Passy sans influence ; M. Odilon Barrot,